Drogues : la France addict à la répression

Un rapport relève des consommations très élevées et toujours en hausse en France. Preuve d’une politique inefficace.

Olivier Doubre  • 6 juin 2013 abonné·es

Tous les observateurs s’accordent à le dire : sur les drogues, la France mène la politique la plus répressive de toute l’Europe occidentale, avec chaque année entre 150 000 et 200 000 personnes interpellées. En 2010, sur 160 000 interpellations, « 86 % concernaient des délits d’usage, principalement de cannabis », et plus de 28 000 ont entraîné une condamnation pour usage simple, dont au moins un quart ont été suivies d’une incarcération. La France demeure ainsi l’un des rares pays européens à emprisonner ses usagers de drogues. La publication, la semaine dernière, du Rapport 2013  [^2] de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), qui recense les conduites addictives, vient une nouvelle fois souligner l’obsolescence de la politique prohibitionniste française. Cette livraison souligne en effet que, si la consommation de cannabis n’augmente plus depuis les années 2000, « la France n’en demeure pas moins, en 2011, le pays avec la plus forte proportion de jeunes consommateurs de cannabis parmi les 36 pays [européens] ayant participé à la même enquête ».

Pis, la politique française, où la prévention a une place marginale, est aussi en échec constant quant aux autres produits, bien plus dangereux et addictifs. Ainsi, pour la cocaïne, « à la faveur d’une disponibilité croissante et d’une baisse des prix […], la part des 18-64 ans en ayant consommé dans l’année passée a triplé au cours de la décennie 2000 ». Tout comme celle des « expérimentateurs » à l’âge de 17 ans. Le rapport note même un « rebond des usages d’héroïne », auparavant en chute libre… Il faut enfin signaler les conclusions de l’enquête consacrée aux « perceptions et opinions sur les drogues » des Français, qui montre que seuls 36 % des Français approuvent le principe de l’emprisonnement des consommateurs. Surtout, à la veille de la prochaine ouverture de la première salle de consommation à moindre risque à Paris, 58 % des Français se déclarent favorables à l’expérimentation de ce dispositif qui a fait preuve de son efficacité chez nos voisins. C’est peut-être là un signe que devrait entendre le gouvernement pour oser un changement face à l’impasse que constitue la politique française depuis plus de trente ans. Il serait temps.

[^2]: Consultable sur www.ofdt.fr/ofdtdev/live/publi/dade.html

Société Santé
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