États-Unis-Europe : l’étrange divergence

Aux États-Unis, d’énormes déficits ont soutenu la reprise.

Gérard Duménil  • 27 juin 2013 abonné·es

La crise, qui va bientôt fêter ses cinq ans, est venue des États-Unis mais a frappé la plupart des pays du monde. Pourtant, le temps passant, il apparaît qu’elle demeurera dans l’histoire la crise des vieux centres, de part et d’autre de l’Atlantique Nord. On s’en tiendra ici à l’évolution de la production (le PIB) de ces deux régions pour s’interroger sur les tendances récentes.

La figure en montre les profils (en prix constants) de 2006 jusqu’au début de 2013. Les niveaux ont été ajustés à 100 au sommet (fin 2008-début 2009). On observe les plongeons jusqu’au milieu de l’année 2009 : 4,7 % perdus aux États-Unis et 5,7 % dans la zone euro. Viennent alors les reprises, mais apparaît une forte divergence. Les États-Unis poursuivent durablement leur croissance ; encore un trimestre, et ce cours favorable aura duré quatre ans ! Le contraste est saisissant avec l’Europe. Deux ans et un trimestre auront suffi pour que l’économie s’enfonce dans une nouvelle récession de 1,6 %.

En Europe, on sait que cette descente et la montée du chômage doivent beaucoup aux politiques d’austérité, qu’il faut coupler aux régressions sociales : le pessimisme est total pour le plus grand bonheur de l’extrême droite. Rien de semblable aux États-Unis : les prévisions sont au beau fixe. Loin de s’interroger sur le rôle joué par les énormes déficits budgétaires (10 % du PIB en 2009) qui ont soutenu cette reprise et le rachat de la dette publique par la banque centrale, le Bureau du budget du Congrès annonce la sortie de crise, un optimisme repris par certains médias français. À les suivre, la courbe des recettes entamerait sa remontée, alors que celle des dépenses commencerait sa chute ; le déficit budgétaire ne disparaît pas, mais on reviendrait à des niveaux inférieurs à ceux des années 1980.

Faut-il en conclure que les lois de la macroéconomie ne sont pas les mêmes de part et d’autre de l’océan ? Et si la volonté de couper des déficits compromettait la reprise états-unienne ? Et si les déficits s’en trouvaient accrus ? À voir.

Illustration - États-Unis-Europe : l’étrange divergence

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