La transition par L’ESS

Une société alternative peut se substituer à un État défaillant.

Jérôme Gleizes  • 20 juin 2013 abonné·es

La politique gouvernementale est un échec. Pour autant, nous ne pouvons pas nous contenter d’attendre un changement de cap économique. Il est possible d’agir maintenant grâce à l’économie sociale et solidaire (ESS). Tout comme le mouvement ouvrier s’est substitué à un État absent au XIXe siècle, en créant des coopératives de production et de consommation et des mutuelles, et en développant un mouvement d’éducation populaire, il est possible aujourd’hui de basculer vers une société alternative se substituant à un État défaillant. Dont ce dernier pourra généraliser les initiatives au cours du XXIe siècle, tout comme il l’a fait au XXe pour celles du mouvement ouvrier. Tour d’horizon de ces possibilités.

Re-territorialiser la production,* *rapprocher consommateurs et producteurs. Seuls la proximité, les circuits courts et l’économie circulaire permettent de répondre à la crise d’accumulation, d’anticiper la pénurie de ressources naturelles et de réduire les gaz à effets de serre induits par le transport. FabLabs [^2], Amap, recycleries, ressourceries : les structures productives se multiplient dans de nombreux secteurs agricoles et industriels. Nécessitant beaucoup de travail qualifié, elles sont à terme une alternative à la déqualification provoquée par la concurrence internationale. L’ESS est seule capable de mettre en œuvre une économie de la fonctionnalité où l’usage du bien prime sur sa propriété, nécessitant de créer du lien social et une économie de la réparation.

Modifier les rapports sociaux de production et de consommation. L’ESS, ce n’est pas uniquement produire autrement, c’est aussi organiser le travail différemment. Le principe d’une personne/une voix permet de démocratiser les relations productives, d’éviter la supériorité des actionnaires sur les salariés et son cortège de licenciements boursiers, de délocalisations, de ventes à la découpe. Les structures juridiques sont nombreuses, telles les Scop, Scic, associations loi 1901, entreprises d’insertion par l’activité économique ou les anciennes mutuelles ou coopératives. Elles ne suffisent pas à une production soutenable, comme le montrent certaines coopératives agricoles ou banques mutualistes, mais permettent des relations de travail moins inégales. En estompant les frontières entre production et consommation, elles créent une nouvelle citoyenneté.

S’émanciper des marchés. Face à la crise et aux comportements prédateurs des milieux financiers, l’ESS constitue une alternative. Les monnaies locales complémentaires permettent de solvabiliser et de socialiser des activités qui ne sont actuellement pas financées. Elles permettent aussi de vitaliser des territoires et de faciliter le fonctionnement des systèmes d’échange locaux (SEL). Elles sont complémentaires des banques alternatives (comme la NEF) ou des systèmes d’épargne alternatifs (les Cigales). En rapprochant la monnaie de son usage, on interdit la spéculation et l’accumulation mortifère [^3].

De multiples structures existent. Elles ne sont pas de simples entités déconnectées. Elles peuvent être les prémices d’une véritable société de transition ^4 car elles construisent la résilience au plus près des gens.

[^2]: « Le potentiel subversif des FabLabs comme mode de production », EcoRev’ n° 37.

[^3]: Capitalisme et pulsion de mort : Freud et Keynes, de Bernard Maris et Gilles Dostaler, Albin Michel (2009).

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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