L’impunité

Franchement, les services secrets yanquis auraient eu tort de se gêner.

Sébastien Fontenelle  • 6 juin 2013 abonné·es

Allons-nous encore tolérer longtemps l’ahurissante impudence des Cubain(e)s ? Ou si nous allons enfin nous décider à la sanctionner – d’un embargo, par exemple, qui leur apprendrait à se montrer (beaucoup) moins arrogant(e)s ? Non, je demande, parce que l’autre jour, si je me rappelle bien, leur Président, Raúl Castro, a promis que c’était fini, les conneries, et que plus jamais il n’allait s’affranchir des lois internationales pour aller buter par-delà les mers et les océans des ennemis d’ el Estado cubano.

Mais tout de suite après, qu’a fait la DGI – les services secrets cubains ? La DGI est allée exécuter d’un coup de drone, en Floride, un militant d’extrême droite impliqué selon elle dans la préparation de l’un des innombrables attentats qui sont régulièrement commis à La Havane depuis que la ville s’est libérée de l’amicale tutelle de MM. Batista (Fulgencio) et Luciano (Lucky). Ce qu’apprenant, l’Organisation des Nations unies (ONU), garante du maintien d’un minimum d’urbanité dans les relations internationales – on n’est quand même pas des bêtes –, a très sévèrement condamné l’ « odieux assassinat » perpétré par les barbouzes cubaines, et dûment prévenu Raúl C. qu’il restait moins que l’épaisseur d’un billet d’ one dollar entre lui et le déclenchement de méchantes représailles, du style on te met sous embargo jusqu’à jeudi – tu vas voir comment que ça fait de bouffer du congri à tous les petits-déjeuners –, et dès vendredi : Desert Storm. Tu violes l’espace aérien des États-Unis ? Tu abats des citoyens américains ? Fort bien. Mais sois prévenu : nous allons te chercher. Nous allons te trouver. Et nous allons te massacrer la gueule. Je plaisante, bien sûr. (Nonobstant que ces sujets sont, j’en conviens, moyennement rigolos.)

En vérité, ce sont les services secrets yanquis, qui, juste après que Barack Obama venait de jurer que son gouvernement avait renoncé à ces procédés, ont envoyé – pour de vrai – un drone abattre, au Pakistan, un chef taliban que les États-Unis soupçonnaient d’être impliqué dans un attentat. Et franchement : auraient-ils eu tort de se gêner ? Absolument : ils auraient eu. Car il est d’évidence communément admis que l’Oncle Sam peut tranquillement décider d’aller commettre un meurtre avec préméditation à l’autre bout du monde, avec la tranquille assurance du killer qui sait que tout le monde ou presque, dans la communauté internationale, va se tenir coi – ça fait des dizaines d’années que ça dure, y a pas de raison que ça change. Or, n’importe quel flic de base te le confirmera : si Dédé le surineur écope, après qu’il a été chopé en train de larder un passant dont le faciès ne lui revenait pas de coups de son horrible couteau, et en guise de réprimande, d’un silence poli – et si les inspecteurs chargés de son cas font le choix de détourner leur attention vers la surveillance des passages cloutés –, le mec aura très certainement l’impression, point complètement infondée, qu’on lui adresse un message du style : continue donc à laisser libre cours à ta créativité, Buddy. Et certes : cette impunité devrait nous faire froid dans le dos. Mais, comme je disais : tout le monde a l’air de trouver ça tellement normal qu’on se sent presque gêné de s’en offusquer encore.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes