Petite enfance : arnaque sur les chiffres

Les 275 000 nouvelles places d’accueil pour les jeunes enfants annoncées par le Premier ministre le 3 juin ne correspondent pas à des créations nettes. Les besoins étaient évalués à 500 000.

Ingrid Merckx  • 12 juin 2013
Partager :
Petite enfance : arnaque sur les chiffres
© Nota bene : ALEXANDRA BEIER / GETTY IMAGES EUROPE / GETTY IMAGES/AFP

Le 3 juin, dans le cadre de sa réforme de la politique familiale, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a annoncé la création de 275 000 « nouvelles solutions d’accueil des jeunes enfants ». « Faut-il prendre les chiffres à la lettre? » , s’inquiète le collectif Pas de bébés à la consigne dans un communiqué.

500 000 places étaient attendues dans les cinq ans. Pour « résorber le retard » , Pas de bébés à la consigne s’était prononcé pour 200 000 nouvelles places en établissement d’accueil des jeunes enfants. Or, le gouvernement propose 100 000 « créations nettes de solution d’accueil collectif » , 100 000 « enfants supplémentaires accueillis par des assistantes maternelles » et 75 000 « nouvelles places en école maternelle pour les moins de 3 ans » .

Tasser les bébés

Pas de bébés à la consigne s’interroge sur la nature des 100 000 places d’accueil collectif : des places ou des « solutions d’accueil », sur le modèle qui a conduit le précédent gouvernement à annoncer 96 000 enfants supplémentaires accueillis pour 40 000 places créées ? Un résultat obtenu en « tassant » les petits dans des établissements développant l’accueil à temps partiel et le surbooking.

Que signifient les 100 000 places chez des assistantes maternelles quand on sait, d’une part, que cette solution d’accueil est plus onéreuse pour les précaires et classes moyennes basses que l’accueil collectif, et que le plan métier du gouvernement en faveur des « ass mat » ne saurait remplacer un congé individuel de formation ?

Enfin, la création annoncée de 75 000 places en maternelle pour les 2-3 ans est trompeuse. En effet, cette mesure consiste surtout à rétablir 55 000 places en maternelle supprimées sous l’ère Sarkozy. Il n’y a donc en réalité que 20 000 créations nettes, et uniquement dans les zones d’éducation prioritaire. En outre, cette mesure repose sur une confusion entre accueil et scolarisation.

Encadrement et conditions d’accueil insuffisants

« Les 75 000 places annoncées ne couvrent même pas les 104 000 suppressions de places depuis 2002 , souligne l’Ufal (Union des familles laïques). C’est en fait un recul programmé. Pourtant, l’existence de modes de garde pour les jeunes enfants est un facteur jugé déterminant dans le taux d’activité des femmes. »

« Ces places correspondent aux 3 000 postes d’enseignants prévus sur les cinq ans à venir , rappelle Pas de bébés à la consigne. Pour nous, il est nécessaire pour accueillir ces jeunes enfants, d’affecter sur ces classes un enseignant pour un effectif maximum de 15 enfants avec une Atsem [Agent territorial spécialisé d’école maternelle] à temps plein, mais aussi d’adapter les conditions d’accueil aux besoins spécifiques de jeunes enfants (espaces, rythmes et équipements adaptés, personnels formés…). Dans cette optique, 3 000 postes ne suffisent pas à créer 75 000 “places”. »

Quid dans le budget de 2 milliards d’euros supplémentaires pour le fonds national d’action sociale du financement du temps libéré par la réforme des rythmes scolaire ? Et quid de l’abrogation du « décret Morano » abaissant le taux d’encadrement des jeunes enfants ? Une réforme de la politique familiale peut-elle se passer d’un plan ambitieux pour la petite enfance?

Société
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

À Paris, un conducteur percute deux personnes lors d’une manifestation de sans-papiers
Racisme 17 octobre 2025 abonné·es

À Paris, un conducteur percute deux personnes lors d’une manifestation de sans-papiers

Vendredi 10 octobre, un homme en voiture a percuté des manifestants lors d’une mobilisation organisée par un collectif de sans-papiers à Paris. Deux hommes ont été blessés et ont porté plainte. Malgré leurs témoignages, la police a retenu l’infraction de « blessures involontaires ».
Par Pauline Migevant
À Rouen, l’académie refuse de scolariser des mineurs isolés et à la rue
Reportage 16 octobre 2025 abonné·es

À Rouen, l’académie refuse de scolariser des mineurs isolés et à la rue

Malgré un droit constitutionnel adoubé par la convention des droits de l’enfant, la scolarisation est une bataille au quotidien pour les jeunes exilés de la plus grande ville de Seine-Maritime. Depuis plusieurs mois, ils luttent face au refus de l’académie de les scolariser.
Par Louis Witter
« Plan social déguisé » : 20 salariés d’un sous-traitant d’Amazon contestent leur licenciement
Luttes sociales 15 octobre 2025 abonné·es

« Plan social déguisé » : 20 salariés d’un sous-traitant d’Amazon contestent leur licenciement

Licenciés pour faute il y a un an, ils ont décidé d’attaquer cette décision auprès des prud’hommes de Marseille, ce mercredi. En cause : le refus d’être mutés à plus de 130 kilomètres de leur lieu travail suite à la perte d’un contrat avec Amazon.
Par Pierre Jequier-Zalc
À Paris, la Confédération paysanne en première ligne contre le Mercosur
Reportage 15 octobre 2025 abonné·es

À Paris, la Confédération paysanne en première ligne contre le Mercosur

Plusieurs centaines de personnes ont manifesté le 14 octobre contre le traité de libre-échange UE-Mercosur, à Paris, à l’appel du syndicat. Un texte qui exercerait une concurrence déloyale pour les agriculteurs français et menacerait la santé et le climat.
Par Vanina Delmas