Bloomberg : Des milliards contre les armes à feu

Le maire de New York, Michael Bloomberg, mobilise sa fortune contre les élus qui refusent le contrôle des armes. Correspondance à New York, Alexis Buisson.

Alexis Buisson  • 11 juillet 2013 abonné·es

Si un élu américain a le malheur de s’opposer au contrôle des armes à feu ces temps-ci, Michael Bloomberg risque de lui tomber dessus. Demandez à Mark Pryor, sénateur de l’Arkansas. Celui-ci fut parmi les seuls démocrates à avoir voté, en avril, contre l’extension des vérifications d’antécédents sur les acheteurs d’armes. Le maire de New York et son groupe, Mayors Against Illegal Guns (MAIG), coalition de 900 maires contre les armes illégales, ont investi 12 millions de dollars dans une campagne de publicité télévisée pour dénoncer sa position. Les Républicains sont également dans le collimateur de Bloomberg : il a dépensé 650 000 dollars contre Kelly Ayotte, sénatrice du New Hampshire, elle aussi opposée à l’extension des « background checks ».

Depuis l’échec retentissant au Congrès de la loi renforçant les contrôles sur les acheteurs d’armes à feu, Michael Bloomberg veut se positionner comme le seul opposant à la toute-puissante National Rifle Association (NRA), le lobby pro-armes. Et il en a les moyens. Avec une fortune estimée à 27 milliards de dollars, il dispose aussi d’un empire médiatique colossal. Et s’est servi de son site Bloomberg View pour dénoncer la mainmise de la NRA sur la vie politique américaine : «   [Le]produit principal [de la NRA]est la peur. Il y a une peur que la NRA fabrique à la perfection : celle de la défaite électorale.   » Rien ne prédisposait pourtant Bloomberg, élu sans étiquette, à devenir la figure de proue du mouvement anti-armes. Il a grandi dans une banlieue chic de Boston, sans jamais être exposé à la violence des armes à feu, selon Joyce Purnick, auteur de Mike Bloomberg : Money, Power, Politics. Sa prise de conscience serait survenue à la mairie. «   Bloomberg est un homme de données, analyse-t-elle. Je suis sûre que les statistiques de la criminalité liées aux armes à feu à New York, le nombre de personnes innocentes, dont des officiers de police, tués, nourrissent sa position.   »

L’expérience new-yorkaise plaide en sa faveur. Sous ses mandats successifs, le nombre d’homicides par arme à feu a plongé de 524 en 2000 à 366 en 2011, soit un taux de 4,3 pour 100 000 habitants (moins de la moitié du taux national). C’est pour soutenir les élus qui pensent comme lui – et faire battre les autres –, qu’il a cofondé MAIG, en 2006. L’opération, dont Bloomberg est le principal contributeur avec 3 millions de dollars, dispose de 50 personnes sur le terrain pour mobiliser des volontaires dans chaque État et de convaincre les élus de faire passer des restrictions sur les armes. L’an dernier, il a dépensé 11 millions de dollars dans une campagne de sensibilisation sur la nécessité de renforcer la réglementation fédérale sur les armes à feu. Son autre bras armé est son Super PAC-Independence USA, un groupe dit « d’action politique », dont l’homme d’affaires se sert pour défendre les causes qui lui sont chères. Selon le National Journal, en 2012, il a dépensé, via ce groupe, 2 millions de dollars pour soutenir la campagne de la démocrate Val Demings, une ancienne officière de police connue pour son combat contre les armes à feu à Orlando. Il a aussi misé 2,3 millions sur un candidat anti-armes lors d’une élection partielle dans l’Illinois. Le groupe vient d’affréter un bus qui parcourra les États-Unis pour propager la bonne parole bloombergienne. Une débauche de moyens qui a fait dire à un porte-parole de la NRA : «   Nous avons des milliards de raisons de prendre Bloomberg au sérieux.   »

Beaucoup d’élus et d’électeurs en terre pro-armes refusent cependant de se faire dicter leur position par le maire de la très libérale New York. D’autres disent que cette bataille est une manière pour lui de se positionner en vue de l’élection présidentielle de 2016. Un lobbyiste embauché par MAIG confiait récemment au New York Times qu’il évitait de prononcer le nom de « Bloomberg   » face à ses interlocuteurs. Sur le terrain, le bilan reste mitigé. Dans le Maryland, le Delaware et le Connecticut, MAIG a contribué au passage de lois de contrôle, mais a échoué dans le Minnesota et le Nevada, où il avait pourtant acheminé des familles de victimes pour convaincre les élus et l’opinion. L’argent n’achète pas tout.

Monde
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