Deux mauvaises nouvelles

L’alternative n’est pas : austérité ou retour aux monnaies nationales.

Liêm Hoang-Ngoc  • 4 juillet 2013 abonné·es

Le Conseil européen de juin est celui où les États entérinent les recommandations spécifiques par pays, initiées par la Commission dans le cadre du semestre européen encadrant les lois de finance. La bonne nouvelle de ce Conseil est la suspension du pacte de stabilité pour la France, l’Espagne, l’Italie et le Portugal. La Commission reconnaît enfin l’existence du « multiplicateur budgétaire » : une contraction des dépenses en période de récession a pour effet d’approfondir celle-ci, de réduire les recettes fiscales et de compromettre l’objectif fixé de réduction de la dette. Or, créer un déficit conjoncturel est susceptible de soutenir la reprise, source de recettes qui ramèneraient les comptes publics à leur niveau structurel. La Commission ne reconnaît malheureusement pas que le régime de retraite par répartition est structurellement équilibré. Les 21 milliards de déficits annoncés par le rapport Moreau sont essentiellement dus à la détérioration conjoncturelle de l’activité. Les politiques d’austérité n’y sont pas étrangères.

La première mauvaise nouvelle de ce Conseil est la réitération par les États d’un cadre financier pluriannuel à la baisse pour 2014-2020 par rapport au budget 2007-2013. Or, on ne saurait imposer la « responsabilité budgétaire » aux États membres sans que ne se développe une capacité budgétaire communautaire, nécessaire pour faire face aux déséquilibres macroéconomiques de la zone euro, telle que celle qui existe dans les structures fédérales, aux États-Unis comme en Allemagne. Cette capacité doit être alimentée par des ressources propres pérennes : un impôt européen (taxation des transactions financières, impôt harmonisé sur les sociétés, emprunt). Elle doit s’incarner par une ligne supplémentaire dans un budget contrôlé par le Parlement européen.

La seconde mauvaise nouvelle est liée aux retombées des déclarations faites par le président de la Commission au sommet du G8. Pour José Manuel Barroso, ceux qui défendent l’exception culturelle sont des « réactionnaires »  ! Barroso est certes candidat non déclaré à des postes clés dans des institutions internationales où l’influence américaine est déterminante, mais, pour l’heure, il a encore mandat du Conseil d’exclure du champ de la négociation de l’accord transatlantique l’audiovisuel et la culture. Las ! En se transformant en cheval de Troie du libre-échange et des intérêts américains, Barroso apporte une nouvelle fois de l’eau au moulin de ceux qui, à droite comme à gauche, expliquent que l’Europe ne peut être porteuse que du projet néolibéral. Or, pour les progressistes, l’enjeu est de montrer qu’un clivage entre un projet conservateur et un projet progressiste prévaut au sein même du camp pro-européen. L’alternative ne se réduit pas à un choix entre une Europe de l’austérité antidémocratique et un retour aux monnaies nationales qui pourrait s’avérer particulièrement coûteux pour les finances publiques, le pouvoir d’achat et la démocratie… Aux eurosceptiques, nous répondons qu’un pas en avant vaut mieux que mille programmes. Malheureusement, le président de la Commission vient de faire deux pas en arrière.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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