Énergie : « Il faut favoriser la proximité »

Responsable commerciale à Enercoop, Stéphanie Lacomblez estime que la hausse, inéluctable, des tarifs réglementés de l’électricité doit précipiter la transition énergétique.

Maxence Kagni  • 25 juillet 2013 abonné·es

Enercoop est un fournisseur d’électricité verte qui revendique 16 000 clients et 10 000 sociétaires. Cette société coopérative d’intérêt collectif assure proposer depuis ses débuts le « vrai prix de l’énergie ». Les tarifs d’Enercoop sont donc plus élevés que ceux d’EDF. Mais, avec les récentes annonces de hausse des tarifs réglementés, la différence se réduit peu à peu.

Pourquoi les prix d’EDF ne cessent-ils d’augmenter ?

Stéphanie Lacomblez : Les prix réglementés prennent de plus en plus en compte le vrai coût du nucléaire : il y a la prise en charge de la sécurité et celle d’autres frais, comme le retraitement des déchets ou le démantèlement des installations. Il y a aussi un contexte de crise climatique. L’énergie devient de plus en rare. Par conséquent, le prix de l’électricité fournie par EDF augmente. Cette réalité s’ajoute à l’ouverture du marché de l’énergie en 1996 par une directive européenne. Elle a eu lieu en 2000 pour les professionnels qui consomment le plus, en 2004 pour l’ensemble des professionnels et en 2007 pour les particuliers. Enercoop a notamment été créée pour remédier à cela : on sait depuis longtemps que les prix vont augmenter.

Vos prix restent plus élevés que ceux d’EDF. Pourquoi ?

Parce qu’ils correspondent au vrai prix de l’énergie. Il faut savoir que les tarifs d’EDF sont 30 % inférieurs à ceux pratiqués sur le marché européen. Mais notre démarche n’est pas élitiste. Enercoop n’a jamais augmenté ses prix depuis le lancement de son offre en 2007, en dehors des transports et de la distribution, qui dépendent d’ERDF. Avec la hausse des tarifs réglementés  [+ 5 % au 1er août 2013 et + 5 % en 2014, NDLR], notre modèle va s’imposer. Ces réglementations sont d’ailleurs amenées à disparaître à terme car c’est la volonté de l’Union européenne. Pour l’instant, l’écart entre nos prix et ceux d’EDF se réduit. Le rattrapage risque d’ailleurs d’être rapide pour les entreprises qui consomment le plus : elles ne bénéficieront plus des tarifs réglementés en 2016. Si une telle décision était prise pour les particuliers, la mesure serait difficilement soutenable socialement. C’est la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas d’explosion du système sans mesures d’accompagnement. Nous proposons par exemple des formations afin d’apprendre aux consommateurs à économiser l’énergie.

Les politiques énergétiques actuelles sont-elles suffisamment efficaces ?

Le problème, c’est qu’en France l’énergie est abstraite, dématérialisée. Le système est centralisé autour de grandes centrales nucléaires : les citoyens sont éloignés des lieux de production alors qu’il faudrait que ce soit le contraire. En effet, plus le maillage est fin et moins il y a de pertes d’énergies. La RTE  [filiale d’EDF qui gère le réseau public de transport d’électricité, NDLR] perd environ 10 % de l’énergie qu’elle transporte. Il faut des lignes à haute tension pour acheminer l’électricité dans des territoires parfois très lointains. Ce n’est pas le cas avec les énergies renouvelables. On produit moins avec une centrale solaire, mais le réseau est allégé, intégré au paysage urbain, plus proche des citoyens.

Pourquoi cette proximité est-elle importante ?

Cela permet aux gens d’être plus impliqués et ça les pousse à se poser des questions. À Enercoop, nous proposons des aides, des audits, de l’accompagnement. Pour favoriser cette proximité, nous participons à l’implantation de coopératives régionales. Il y en a actuellement dans six régions : Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais, Champagne-Ardenne, Languedoc-Roussillon, Bretagne, Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cela profite à l’économie locale et rapproche le producteur du consommateur. Ce dernier devient acteur.

Quelles solutions peut apporter Enercoop ?

Nous souhaitons participer à la transition énergétique. Celle-ci doit s’effectuer sur trois plans : faire le choix des énergies renouvelables, maîtriser la consommation et permettre aux citoyens de s’approprier la question. C’est la raison pour laquelle ce sont les consommateurs qui fixent les prix chez Enercoop, en assemblées générales. Nous sommes la seule alternative pour les consommateurs. Enercoop ne finance pas le nucléaire. Il faut se poser les bonnes questions : nous avons besoin de l’énergie, mais il faut savoir ce que l’on veut en faire.

Écologie
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