Menaces sur l’audiovisuel public européen

Si la télé grecque a retrouvé son écran, sa situation reste fragile, comme dans certains autres pays.

Jean-Claude Renard  • 25 juillet 2013 abonné·es

Renommée DT, la nouvelle télé publique grecque a donc rouvert le robinet jeudi 11 juillet, après un mois d’écran noir. Cette reprise de l’antenne, imposée par le Conseil d’État, n’en reste pas moins un rafistolage honteux, fait de rediffusions de vieux films, de documentaires et de magazines, et habillé d’un bandeau d’informations issues des agences de presse. Soit un simulacre de l’ERT. La nouvelle entité a été réduite à peau de chagrin, en attendant une autre structure prévue à l’automne. Ce redémarrage en trompe-l’œil soulève aujourd’hui l’indignation des professionnels, et des dizaines d’employés occupent toujours les locaux de l’entreprise, tandis que les 2 700 salariés de l’ERT ont reçu leur lettre de licenciement. Au siège, on se relaie au quotidien pour diffuser des émissions et des informations sur Internet, grâce au soutien de l’Union européenne de radio-télévision (UER). Patron de l’audiovisuel grec, Pantelis Kapsis a promis que le nouvel organisme embaucherait 2 000 salariés de l’ERT, si les bâtiments sont libérés. Pas dupes, les occupants ont refusé la proposition, craignant de plus lourds dégraissages, touchant principalement les têtes contestataires. La Grèce aura donc été le seul État membre de l’Europe sans service public audiovisuel. Rappelons que le fait d’avoir un opérateur public dans un pays démocratique en Europe se veut un principe élémentaire et inaliénable. Il est un bien des citoyens, inscrit dans le traité d’Amsterdam. Comme un signe précurseur, le gouvernement ultralibéral de Samaras avait commencé par fermer les archives du service public, le privant ainsi de sa mémoire. Avec la clôture de l’ERT, par un simple décret, il parachevait sa politique autoritaire. Quoi qu’il arrive, on peut s’attendre à une précarisation du service public, parfaitement programmée, au détriment de l’indépendance, du pluralisme, de la création et de la diversité des cultures.

Surtout, il convient de rappeler que la Grèce n’est pas un cas à part. En début d’année, toujours sous la pression des bailleurs internationaux, le gouvernement portugais a annoncé pour bientôt la privatisation de son service public de radio-télévision. La chaîne culturelle est la première à trinquer, au motif de mauvaise gestion et de faibles audiences. En Espagne, la RTVE connaît également de fortes restrictions, avec 4 000 licenciements. En Hongrie, la chaîne commerciale RTL Klub, du groupe Bertelsmann, ne s’est pas gênée pour déclarer que l’État hongrois devrait prendre la même position que Samaras. Lors de la soirée de soutien au peuple grec, au Châtelet, le 18 juin, Jean-Paul Philippot, président de l’UER, déclarait : « Aujourd’hui, les valeurs du service public deviennent une variable d’ajustement de certaines politiques publiques. »

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