Qui veut la peau de Mediapart ?

La cour d’appel de Versailles exige le retrait des enregistrements de l’affaire Bettencourt. Une décision inique contrée par les internautes.

Olivier Doubre  • 11 juillet 2013 abonné·es

Saisie par le tuteur de Liliane Bettencourt, la cour d’appel de Versailles a condamné, dans un arrêt du 4 juillet dernier, Mediapart et le Point à effacer toute citation des fameux enregistrements opérés à l’insu de la milliardaire, actionnaire principale du groupe L’Oréal. Ceux-là même qui ont révélé fraude fiscale, avoirs à l’étranger, relations troubles avec un ministre (Éric Woerth), trafics d’influence et soupçons de financement illicite de la campagne Sarkozy de 2007. Au nom de la « protection » de la vie privée, en plus de 20 000 euros à verser à Liliane Bettencourt pour « préjudice moral ». Mediapart doit exécuter cette décision dès le 12 juillet, sous peine d’une astreinte de 10 000 euros par jour et par « infraction constatée ». Une décision d’autant plus surprenante que le contenu des enregistrements est amplement connu, depuis leur publication à l’été 2010, et appartient désormais à la trop longue histoire des scandales politico-financiers. Un peu comme si les héritiers de Stavisky demandaient le retrait des méfaits de leur ancêtre des manuels scolaires !

Il reste que, selon Edwy Plenel, « trois magistrats ont rêvé la mort de Mediapart ». Car, d’après les calculs des responsables du site, sachant que près de 800 articles ont été postés sur l’affaire Bettencourt et plus de 1 600 billets de blogs, sans compter les dizaines de milliers de commentaires des internautes, Mediapart se verrait infliger environ 750 millions d’euros d’amende par mois ! Une décision de justice qui ressemble finalement à celle prise à l’encontre de Jérôme Kerviel, qui, pour rembourser la Société générale, devrait travailler plusieurs milliers d’années ! Toutefois, les juges de Versailles se sont trompés d’époque. À peine connue leur décision, les sites arretsurimages.net ou rue89.com se proposaient d’héberger eux aussi le « dossier Bettencourt ». Surtout, des centaines d’internautes ou « hacktivistes » se sont empressés de copier les photos, bandes-son et articles incriminés pour les diffuser et les faire héberger sur de nombreux sites dans différents pays du monde. On n’arrête pas Internet comme cela… Néanmoins, l’arrêt des juges de Versailles demeure inquiétant pour la liberté d’information et la démocratie. Comme l’écrit Edwy Plenel : « Sale temps pour les lanceurs d’alerte ! »

Société Médias
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