Retraites : propositions autorisées au PS

Le texte adopté par le bureau national du PS prend quelques distances avec le rapport Moreau, sans contrarier les intentions de François Hollande.

Michel Soudais  • 18 juillet 2013 abonné·es

Embarras maximum, louvoiement extrême. Confronté à la perspective de devoir soutenir une réforme des retraites trois ans après celle de Nicolas Sarkozy et de François Fillon, à laquelle s’il s’était opposé, le PS tente de faire valoir ses propositions en évitant de renier trop ouvertement ce qu’il défendait dans l’opposition. Un texte de neuf pages, adopté en bureau national le 9 juillet par 26 voix « pour » et 10 « abstentions », reflète cet exercice difficile. Intitulé « Consolider et rendre plus juste notre système de retraites », il prend quelques distances avec les préconisations du rapport Moreau. En bonne place de ces préconisations, figurait le « financement par une désindexation des pensions », équivalant à une baisse programmée du pouvoir d’achat des retraités, dont les pensions ne seraient plus revalorisées qu’à un niveau inférieur à l’inflation. Le PS la « refuse », jugeant qu’elle « aurait un impact sur le niveau des pensions et renforcerait la défiance envers le système de retraite ». Il est également « défavorable » à une remise en cause de l’abattement de 10 % dont bénéficient les retraités pour l’impôt sur le revenu. Cela « aurait pour conséquence de rendre imposables près de 790 000 ménages », qui verraient, de ce fait, leurs prestations sociales diminuer, s’alarme le PS. Qui n’est plus hostile, en revanche, à « une contribution, au même niveau que les actifs, des retraités aisés », sans préciser le seuil où commence cette aisance.

Toujours sur le financement, les socialistes se prononcent pour « mettre à contribution les revenus du capital ». Enfin, ils jugent « normal d’envisager un effort sur les cotisations », pourvu que celui-ci soit « modéré » et « partagé par tous, salariés du privé et du public et employeurs ». Enfin, ils s’opposent à « l’accélération du calendrier » d’allongement de la durée des cotisations des salariés, mais la jugent « possible après 2020 », à condition de « ne pas excéder la moitié des gains d’espérance de vie ». Globalement, ce texte satisfait l’aile gauche du PS. Il « fixe les lignes rouges à ne pas franchir », se félicite Un monde d’avance, le courant de Benoît Hamon. Il comporte des « avancées considérables », notamment en tournant « le dos aux préconisations folles du rapport Moreau », souligne Emmanuel Maurel. Néanmoins, son courant Maintenant la gauche s’est abstenu, en raison principalement de « divergences par rapport au calendrier choisi » pour mener la réforme. Sous son impulsion, plusieurs fédérations du PS ont adopté des motions demandant le report d’une réforme « ni urgente ni opportune ».

Une fois n’est pas coutume, c’est de l’aile droite que sont venues les critiques les plus dures. Le député de Paris Christophe Caresche dénonce dans le Monde (12 juillet) un « mauvais compromis entre la majorité du parti » et une aile gauche « surreprésentée ». Il annonce des propositions communes à d’autres députés pour contrer ce texte qui, à ses yeux, est « sans ambition » et « n’ouvre aucune perspective de modification systémique des retraites ». Il n’en fallait pas plus pour que certains voient dans le texte du PS un « coup de poignard dans le dos » du chef de l’État. Il n’en est rien. Et François Hollande a clairement récusé cette thèse le 14 juillet. Conçu par un groupe de travail associant toutes les sensibilités du PS, sous la houlette de deux secrétaires nationaux, Charlotte Brun (personnes âgées) et Pascal Terrasse (protection sociale), le texte a été vu avec Harlem Désir, qui l’a présenté à Matignon avant le vote. Histoire de s’assurer qu’il était bien conforme aux bornes fixées par le Président, le 16 juin, sur M6. Ainsi, quand le PS se déclare « opposé à un nouveau relèvement des bornes d’âge », il colle à la position du gouvernement. Quand, fin mai, la Commission européenne avait suggéré un tel relèvement dans la version initiale de ses recommandations à la France, le gouvernement avait protesté. Pour la forme. Car il a fait remplacer cette suggestion de l’équipe de Barroso, « augmenter encore l’âge légal de départ en retraite et la durée de cotisation », par une formule plus alambiquée qui préconise d’ « augmenter la durée de cotisation [et de] relever encore l’âge effectif de départ à la retraite en alignant l’âge de la retraite ou les prestations de pension sur l’évolution de l’espérance de vie ». Dans les faits, cela revient au même. La charge symbolique est juste moins forte.

Politique
Temps de lecture : 4 minutes