Bonne nouvelle, la croissance ne reviendra pas !

Dans un essai tonique, Dominique Méda préconise une rupture radicale avec notre modèle de développement.

Thierry Brun  • 26 septembre 2013 abonné·es

Nous sommes arrivés au moment où nous devons dénouer les liens historiques et idéologiques qui se sont organisés entre croissance, progrès et démocratie, prévient la philosophe et sociologue Dominique Méda dans un excellent plaidoyer. La situation économique s’y prête : nous sommes en récession, et de fait en décroissance. Mais c’est de manière brutale et sauvage que ce processus se déroule, alors qu’il faudrait accepter l’idée que la croissance ne reviendra pas et comprendre que ce n’est pas une mauvaise nouvelle. L’ouvrage se veut donc un appel à considérer la crise que nous traversons comme l’occasion de changer radicalement de mode de développement, notamment parce que l’on aura pris conscience que les rythmes de la croissance mondiale que nous connaissons depuis cinquante ans sont incompatibles avec ceux de notre environnement à très court terme.

Comment faire en sorte que la production s’oriente dans une direction compatible avec le maintien des grands équilibres écologiques ? Comment lutter contre l’explosion du chômage et de la précarité tout en remboursant la dette et en réduisant notre dépendance énergétique, sans relancer la croissance ? Selon Méda, les politiques d’austérité étant « mortelles », il s’agit de remettre sur le métier la question des liens entre croissance et emploi, et de montrer que résoudre la question écologique peut améliorer l’emploi et changer le travail. Ce dont nous avons aussi besoin, ajoute la sociologue, c’est d’une politique publique globale et intégrée qui s’appuie sur des choix réellement débattus collectivement. Elle ne voit pas d’autre issue politique que la planification de la transition vers un monde désirable et juste. Il faut comprendre, dans ce propos, qu’un rôle éminent incombe à l’État dans le pilotage de la conversion écologique. Et celle-ci « suppose un processus radical de redistribution des revenus et de démocratisation », ainsi qu’une redéfinition du progrès, que l’auteur inscrit dans une nouvelle grammaire de « réacclimatation des valeurs grecques au cœur de notre modernité ». Le propos très engagé de Méda invite à mettre un terme à la prétention de l’économie à décrire seule le monde que nous voulons. Les responsables politiques et experts occidentaux qui attendent le salut du seul retour de la croissance ne pourront ignorer le parcours convaincant proposé pour la résolution de la question écologique et sociale. Les mots forts de Méda contribuent à rompre avec bien des fétiches économiques et des politiques anachroniques.

Idées
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Michaël Fœssel : « Nous sommes entrés dans un processus de fascisation »
Entretien 24 avril 2025

Michaël Fœssel : « Nous sommes entrés dans un processus de fascisation »

Dans Une étrange victoire, écrit avec le sociologue Étienne Ollion, Michaël Fœssel décrit la progression des idées réactionnaires et nationalistes dans les esprits et le débat public, tout en soulignant la singularité de l’extrême droite actuelle, qui se pare des habits du progressisme.
Par Olivier Doubre
Rose Lamy : « La gauche doit renouer avec ceux qu’elle considère comme des ‘beaufs’ »
Entretien 23 avril 2025 libéré

Rose Lamy : « La gauche doit renouer avec ceux qu’elle considère comme des ‘beaufs’ »

Après s’être attaquée aux discours sexistes dans les médias et à la figure du bon père de famille, l’autrice met en lumière les biais classistes à gauche. Avec Ascendant beauf, elle plaide pour réinstaurer le dialogue entre son camp politique et les classes populaires.
Par Hugo Boursier
Sur le protectionnisme, les gauches entrent en transition
Idées 23 avril 2025 abonné·es

Sur le protectionnisme, les gauches entrent en transition

Inflexion idéologique chez les sociaux-démocrates, victoire culturelle pour la gauche radicale… Face à la guerre commerciale de Donald Trump, toutes les chapelles de la gauche convergent vers un discours protectionniste, avec des différences.
Par Lucas Sarafian
Médecine alternative : l’ombre sectaire
Idées 16 avril 2025 abonné·es

Médecine alternative : l’ombre sectaire

Un rapport de la Miviludes met en lumière un phénomène inquiétant. Depuis la pandémie de covid-19, l’attrait pour les soins non conventionnels s’est accru, au risque de dérives dangereuses, voire mortelles.
Par Juliette Heinzlef