Budget 2014 : « Un effort violent et inégalement réparti »

Vincent Drezet, secrétaire général de Solidaires Finances publiques, a examiné le projet de loi de finances pour 2014 et rend son avis avant la Commission européenne, qui doit se prononcer en novembre.

Thierry Brun  • 26 septembre 2013
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Budget 2014 : « Un effort violent et inégalement réparti »
© Photos: JOEL SAGET / AFP et DR

Le projet de budget pour 2014 doit être conforme aux critères de réduction des déficits publics du Traité budgétaire européen (TSCG) et aux recommandations faites au printemps par la Commission européenne. Il sera aussi le premier budget à suivre une procédure inédite : la Commission rendra un avis définitif sur ce projet de budget français et celui des autres pays de la zone euro le 15 novembre. Et elle peut désormais demander à un État de la zone euro de revoir son budget s’il ne lui convient pas, bien avant le Parlement français.

Le gouvernement a assuré « avoir retrouvé sa souveraineté budgétaire » en présentant le projet de loi de finances pour 2014. Avez-vous constaté un changement ?

Illustration - Budget 2014 : « Un effort violent et inégalement réparti »

Vincent Drezet : On assiste à une marche forcée de réduction des déficits publics, voulue par la Commission européenne et par les États qui composent l’Union européenne, dans un cadre où nous avons perdu la souveraineté budgétaire du fait de la concurrence fiscale et sociale. À cela, il faut ajouter que l’Union européenne ne s’est pas donné les moyens d’une solidarité financière qui irait dans le sens d’une harmonisation fiscale et du financement de la dette. Ce que l’on voit aujourd’hui, c’est que vingt-quatre heures après la présentation du budget au Conseil des ministres, Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des Finances, a passé son « grand oral » à Bruxelles, avec la Commission européenne.

Un effort sans précédent de réduction des dépenses a été annoncé, de l’ordre de 15 milliards d’euros. Un pas de plus dans le renforcement de l’austérité ?

On s’attaque plus que jamais à la dépense et aux services publics. Le projet de budget 2014 confirme ce que le gouvernement et les ministres de Bercy ont tenté de minimiser dans leurs discours jusqu’ici. Par exemple, les administrations de Bercy sont sacrifiées en étant bel et bien considérées comme « non prioritaires ». C’est difficilement concevable quand on a un gouvernement qui dit lutter contre la fraude fiscale ! Quelles sont les conséquences ? En ce qui concerne les missions de contrôle économique et financier, il n’y a pas eu d’affaire Cahuzac ni d’affaire de la viande de cheval… Les douaniers constatent que beaucoup d’argent liquide non déclaré circule. Les vérificateurs sont incités à moins se déplacer dans les entreprises pour exercer leur travail de contrôle fiscal.

Bercy explique aussi que le poids des prélèvements obligatoires sera stabilisé en 2014…

Il y a une augmentation d’impôt en volume moins importante que ces deux dernières années, mais c’est sans compter sur la hausse de la TVA, qui va intervenir au 1er janvier 2014 et touchera l’ensemble des ménages. Bercy indique que la recette attendue de cette hausse est de l’ordre de 6,5 milliards d’euros. Des mesures nouvelles vont certes procéder à des ajustements dans la structure de l’impôt sur le revenu (IR) comme le relèvement de la décote qui profitera aux contribuables faiblement imposés ou situés juste en deçà du seuil d’imposition, mais c’est parce que le gouvernement a tiré la leçon de deux ans de gel du barème de l’IR et d’effets pervers.
L’IR augmentera pour certaines catégories de contribuables, les familles et les classes moyennes aisées, mais aussi pour les contribuables plus modestes, notamment parce que la suppression de la demi-part dont bénéficie un certain nombre de parents isolés est confirmée, ce qui provoquera, là aussi, des effets pervers en chaîne sur la taxe d’habitation. En résumé, des profils de contribuables bénéficieront d’une faible baisse et d’autres connaîtront une hausse.

Ce qui attend les contribuables en 2014

Tableau réalisé par Solidaires Finances publiques

Les mesures fiscales favorables aux entreprises pèseront aussi sur les ménages…

Le gouvernement met en place le crédit d’impôt compétitivité emploi (Cice), une ristourne qui pèsera 10 milliards d’euros pour la seule année 2014. La collectivité prendra en charge la totalité des 20 milliards d’euros qui réduiront artificiellement le coût du travail. Cela aura pour conséquence de diviser par deux la contribution des entreprises en matière d’impôt sur les sociétés, laquelle représente bon an mal an 40 milliards d’euros. Cela va affaiblir les recettes fiscales et reporter la charge fiscale sur d’autres impôts. Avec ce choix budgétaire, on reste prisonnier de certains dogmes qui alimentent la récession.
Il faut ajouter que Pierre Moscovici a déclaré que le Cice ne ferait pas l’objet d’un contrôle fiscal. Nous disons au ministre de l’Économie qu’un dispositif ne peut pas être exclu du champ du contrôle fiscal, parce que cela a pour conséquence un recul de l’égalité devant l’impôt. De plus, le signal politique envoyé aux entreprises sur le contrôle fiscal est dévastateur : un certain nombre de vérificateurs seront pris à partie dès lors qu’il feront leur travail au service de l’intérêt général. On alimente ainsi le ras-le-bol fiscal, le sentiment anti-impôt…

Plusieurs ponctions sont prévues dans le projet de budget pour 2014 : - Augmentation de la TVA. - Suppression de niches comme celle sur les enfants scolarisés dans le secondaire et le supérieur (soit une recette de 440 millions d'euros), celle bénéficiant à certains salariés qui ont une complémentaire santé (recette estimée à 96 millions d'euros), ou celle concernant les retraités ayant élevé au moins trois enfants (recette prévue de 1,2 milliard) - Abaissement du quotient familial (recette attendue de 1,03 milliard en 2014) - Possibilité pour les départements de relever les droits de mutation ("frais de notaire", recette estimée à 930 millions). Sont aussi prévues des mesures de rattrapage du pouvoir d'achat avec la réindexation du barème de l'impôt sur le revenu sur le coût de la vie et décote pour 6 à 7 millions de foyers fiscaux (coût estimé à 893 millions).
D’où vient ce ras-le-bol fiscal, selon vous ?

Les contribuables savent que bon an mal an il faut faire un effort, mais ils trouvent que l’effort est trop violent et inégalement réparti. Le problème est que pendant la campagne présidentielle le débat a porté sur la réforme fiscale, ce qui changeait des campagnes précédentes avec les promesses de baisse d’impôt… François Hollande avait un projet, mais jusqu’à présent il n’y a eu que des ajustements et pas une réforme de fond de l’assiette de l’IR.
Il manque une réforme fiscale sur l’imposition du patrimoine. On a remis en place l’impôt sur la fortune, mais dans une version allégée. On a un petit peu alourdi la fiscalité des droits de mutation (les « frais de notaire »), des droits de succession et de donation, mais on n’a pas réécrit le système fiscal. Ainsi tous les travers du système fiscal, comme les niches, les mesures dérogatoires, certains allègements, l’inégalité devant la fraude, sont toujours présents.
Demander au contribuable un effort sur la base d’un système qui n’a pas été revu nourrit ce ras-le-bol. On ne voit plus à quoi sert l’impôt si ce n’est à payer les déficits et la dette, alors que nous sommes dans un contexte de crise économique, de baisse du pouvoir d’achat et de hausse du coût de la vie.
On a l’impression que ceux qui sont entendus sont ceux qui se baptisent les « pigeons », les « plumés », les « tondus », alors que les « floués », c’est le reste de la population.

Plusieurs ponctions sont prévues dans le projet de budget pour 2014 :
– Augmentation de la TVA.
– Suppression de niches comme celle sur les enfants scolarisés dans le secondaire et le supérieur (soit une recette de 440 millions d’euros), celle bénéficiant à certains salariés qui ont une complémentaire santé (recette estimée à 96 millions d’euros), ou celle concernant les retraités ayant élevé au moins trois enfants (recette prévue de 1,2 milliard)
– Abaissement du quotient familial (recette attendue de 1,03 milliard en 2014)
– Possibilité pour les départements de relever les droits de mutation (« frais de notaire », recette estimée à 930 millions).

Sont aussi prévues des mesures de rattrapage du pouvoir d’achat avec la réindexation du barème de l’impôt sur le revenu sur le coût de la vie et décote pour 6 à 7 millions de foyers fiscaux (coût estimé à 893 millions).

Politique
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