Hollande lâche du lest aux écolos

Les annonces du gouvernement sur l’énergie, lors de la Conférence environnementale, ont en partie apaisé EELV mais déçu le milieu associatif.

Patrick Piro  • 26 septembre 2013 abonné·es

Soulagement certain, à Europe Écologie-Les Verts. Même si le parti « attend des précisions » de la part du gouvernement, il se réjouit principalement de voir le cap de la transition énergétique « enfin engagé » par le discours de François Hollande en ouverture de la conférence environnementale 2013 en fin de semaine dernière. La rencontre, tenue à Paris au Conseil économique, social et environnemental, s’annonçait handicapée par le morne bilan de l’année écoulée. Le dossier officiel, bardé de petits voyants verts autosatisfaits, était tourné en dérision par un collectif d’associations écologistes [^2] décernant au gouvernement « 1 carton vert, 5 cartons jaunes, 9 cartons rouges » pour sa politique sur le climat et l’énergie. Une semaine plus tôt, le secrétaire national d’EELV, Pascal Durand, avait donné « six jours » au couple exécutif pour se montrer à la hauteur des enjeux. Au sortir de la conférence, le ton avait changé, dominé par une satisfaction mitigée. « L’ultimatum n’a pas été inutile », commente Ronan Dantec, sénateur EELV. « Qu’aurait-on dit si nous n’avions pas haussé le ton ? », justifie le ministre du Développement Pascal Canfin. Car François Hollande a donné des gages aux écologistes, centrant son discours sur la transition énergétique, qualifiée de « choix politique majeur […], une décision stratégique ».

Dans son intervention, complétée par celle du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, en clôture de la conférence, le Président a mis en avant la réduction des consommations d’énergie : la France devra les avoir divisées par deux en 2050. Symbole fort pour Laurence Tubiana, directrice de l’Institut du développement durable et des relations internationale (Iddri), qui a animé le débat national sur la transition énergétique, car le Medef s’était opposé à une telle trajectoire. « Hollande nous a surpris. Il semble avoir pris conscience de la logique qui sous-tend la transition énergétique. » Ensuite émerge enfin un plan de rénovation thermique pour le bâti ancien, plus gros émetteur national de CO2. La TVA sur ces travaux tombera à 5 %, au lieu de la hausse annoncée pour 2014 (10 %), dans l’espoir d’engager un mouvement « massif » d’isolation – sur un rythme de 500 000 logements par an d’ici à 2017, comme l’avait promis le Président lors de sa campagne. Une prime de 1 350 euros s’ajoutera aux aides déjà existantes, et un dispositif de garanties bancaires est en préparation pour aider les particuliers à passer à l’acte. Une contribution climat énergie est introduite dans la fiscalité, via la taxe sur les énergies fossiles. Neutralisée en 2014 par une baisse globale de son montant, elle dégagera 2,5 milliards d’euros en 2015 puis 4 milliards en 2016, « soit une montée en puissance plus rapide qu’attendu », se réjouit le député EELV Denis Baupin. Sur le nucléaire, le couple exécutif a signifié une volonté remarquée de reprendre la main sur EDF. La loi sera modifiée afin d’établir la prééminence de l’État sur l’avenir du nucléaire – à ce jour, EDF a toute légitimité pour prolonger la vie de ses centrales, même en dépit d’une volonté politique contraire. Par ailleurs, les revenus du nucléaire seront ponctionnés pour aider au financement de la transition.

Sous quelle forme ? Nul ne sait. Car le flou domine, in fine, et même sur le terrain des mesures concrètes. Ainsi, le soutien de principe aux énergies renouvelables s’accompagne d’une menace sur les tarifs préférentiels d’achat de l’électricité verte. Pour le nucléaire, si la fermeture de Fessenheim est une nouvelle fois confirmée pour fin 2016, toujours rien sur le plan de réduction de 75 % à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité. Et comment sera redistribuée la contribution climat énergie, qui doit retourner pour partie aux ménages ? À peine née, celle-ci voit sa portée fortement restreinte : les professionnels de la route en sont exonérés, tout comme les plus gros émetteurs industriels de CO2 parce qu’ils sont soumis au système européen de quotas d’émissions – pourtant en échec notoire. Nombre de décisions sont renvoyées à l’année prochaine ou au-delà. La déception principale, pour EELV comme les associatifs : rien sur le diesel. « Les questions de santé environnementale ont été oubliées », déplore Nicolas Hulot, qui se montre prudent sur les annonces de la conférence. Pour Denis Baupin, la question est loin d’être enterrée. « Nous reviendrons à la charge sur le diesel dès l’an prochain avec le débat sur le nouveau plan national santé-environnement. » Quant à l’adoption d’une loi sur la transition énergétique, encore dans les limbes bien que Hollande la considère comme « l’un des textes les plus importants du quinquennat », elle est repoussée à fin 2014. « C’est toujours la même chose, ça reste dans l’imprécision dès que l’on parle des moyens. C’est très mou et pas clair », constate Corinne Lepage, présidente du parti Cap 21. « Nous restons sur notre faim, regrette Benoît Hartmann, porte-parole de la fédération France nature environnement. Le passage à l’acte, on l’attend encore. »

[^2]: Dont Greenpeace, le Réseau action climat et le réseau Sortir du nucléaire.

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