« Il suffit que les lobbies toussent… »

La conférence environnementale s’ouvre dans la désillusion, analyse Stéphen Kerckhove, militant associatif.

Patrick Piro  • 19 septembre 2013 abonné·es

François Hollande s’était engagé à tenir une conférence environnementale annuelle. Dans son discours de clôture de l’édition 2012, il laissait entendre que l’écologie aurait une place centrale dans son mandat. Aujourd’hui, c’est l’amertume dans le camp associatif, qui veut « montrer les crocs » après l’édition 2013, du 20 au 21 septembre.

Un an après la première conférence environnementale, il n’y a vraiment rien à se mettre sous la dent ?

Stéphen Kerckhove : Non, j’ai beau chercher, c’est assez dramatique. Nous constatons que ce gouvernement a décidé d’adopter la procrastination comme méthode de gestion des urgences écologistes. Nous perdons notre temps. Même si l’on est sorti de l’outrance sarkozyste, c’est la continuité politique : on laisse faire les lobbies, il suffit qu’ils toussent un peu pour que le gouvernement recule. Récemment encore, les routiers ont obtenu le report de l’écotaxe poids lourds, les productivistes agricoles ont repoussé le plan « nitrates » et les pronucléaires ont obtenu le renvoi à 2014 de la loi sur la transition énergétique. Sans parler de la fiscalité diesel…

Une conférence environnementale, cela sert à quoi finalement ?

On se le demande, si la forme prend à chaque fois le pas sur le fond, si, lorsqu’il est nécessaire de prendre des décisions, on convoque une conférence, un « grand débat national », etc., et qu’ils se résument à des discussions sympathiques autour d’un buffet. Nous sommes assez stupéfaits de constater que l’objet des débats n’est pas d’aboutir à des décisions, mais de discuter. Le dossier diffusé par le gouvernement pour faire le bilan depuis un an est rempli de « j’ai organisé un débat… », « j’ai convoqué la commission… », « j’ai commandé un rapport… ». On en est toujours à la préfiguration ! Dès que l’on prononce le mot « écologie », on convoque le patronat, les institutions, les experts, etc. Ce schéma, institutionnalisé depuis le Grenelle de l’environnement, n’a pas cours pour les questions sociales, par exemple. Au bout du compte, le processus aboutit à valider le plus petit dénominateur commun quand il faudrait prendre des décisions radicales.

Qu’attendez-vous de la prochaine édition ?

Que le Président et son gouvernement fassent tout simplement de la politique, et qu’ils admettent que « le changement » se conjugue de temps en temps au présent. Certes, les générations futures ne votent pas, mais est-ce une raison ?

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