Islamophobia

Les islamophobes « progressistes » souchent leurs prédications dans une « laïcité » à deux balles.

Sébastien Fontenelle  • 12 septembre 2013 abonné·es

Il y a différentes manières d’excréter publiquement des proférations phobiques, du style : n’est plus cheux nous, mâme Dupont, depuis que des hordes mahométanes construisent deux mosquées autour de chacune de nos églises romanes (comme dirait le rigoureux Jean Daniel). Par exemple, il y a celle, très directe, de l’écrivain public (dont nous tairons ici le nom) qui, mobilisant ses dix neurones, grogne tous les matins, depuis une grosse dizaine d’années, que nous sommes à la veille d’un « grand remplacement » de la population françousque von souche, dans lequel notre cher und vieux pays ne sera bientôt plus peuplé que d’Arabo-musulman(e)s – mélangé(e)s aussi de beaucoup de Noir(e)s. Si tu es normalement constitué(e), la logorrhée de ce délirant maniaque te fait sitôt que tu la lis gerber à (très) longs traits, mais Alain Finkielkraut, qui semble n’aimer rien tant que cette excitation des instincts dégueulasses où les fafferies prospèrent, considère quant à lui que son auteur est un prosateur « rare et précieux ».

Puis il y a la façon moins directement râpeuse de Michel Onfray – encore un philosophe de télévision –, qui, dans le débatteux quotidien Libération (où l’on a donc le goût de recueillir ces prédications), s’inquiète de « l’apparition d’un islam qui, sur un certain nombre de sujets de société, confronte ses valeurs religieuses et théocratiques aux valeurs laïques et démocratiques de la République », pour proclamer : « Refuser de prendre acte de cette modification sociologique du paysage français, c’est interposer l’idéologie entre son jugement et la réalité. » (Puis de conclure, complètement débondé : « La République a honte de ses valeurs les plus récentes, dont le féminisme et la laïcité : elle les affiche haut et fort, mais elle ne les impose pas quand il le faudrait. » )

Quand l’écriveux réactionnaire dont Finkielkraut aime si fort les raffinements dénonce tout de go ce qu’il appelle aussi – juché sur sa dignité – une « contre-colonisation », Onfray, du haut de son piédestal médiatique de penseur « de gauche », répond donc qu’il s’agit plutôt d’une « modification sociologique », et c’est sûr que cette formule est moins immédiatement identifiable pour ce qu’elle est. Mais ne pas s’y tromper : nos deux moralistes défiltrés disent là la même chose. Ils contribuent l’un et l’autre, en assurant que la France s’islamiserait, à la confection du terreau, si tragiquement fertile ces temps-ci, où prospèrent les haines anti-musulmanes : la seule vraie différence est que le second le pétrit de la « laïcité » à deux balles où les islamophobes « progressistes » souchent désormais leurs prédications.

Ne pas s’étonner, après cela, de la constante progression des « actes anti-musulmans », telle que la restituent, avec une terrifiante constance, les rapports annuels de la Commission nationale consultative des droits de l’homme – ou de ce que, pour le dire autrement, la libération de la parole précède de peu, dans ces matières, celle des profanations.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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