Bill de Blasio, le Roosevelt de New York

Bill de Blasio, le candidat démocrate à l’élection municipale du 5 novembre
se situe très à gauche sur l’échiquier politique américain. De notre correspondant, Alexis Buisson.

Alexis Buisson  • 31 octobre 2013 abonné·es

Bill de Blasio a un avantage sur tous les autres politiciens : il est grand. Du haut de son 1,95 mètre, impossible de l’ignorer dans un débat télévisé ou un meeting. Alors que l’élection pour la mairie de New York touche à son terme – elle aura lieu le 5 novembre –, le démocrate jouit toujours d’une avance confortable sur son adversaire, le républicain modéré Joe Lhota. Ce dernier, ancien maire adjoint et ex-directeur du réseau de transports new-yorkais, a beau dépeindre son adversaire comme incompétent ou laxiste sur les questions de sécurité, de Blasio le supplante de 40 à 50 points selon les sondages. Si de Blasio passe, New York basculera à gauche pour la première fois depuis vingt-quatre ans. Le tonitruant Médiateur de la Ville, poil à gratter du maire sortant Michael Bloomberg, revient de loin. Donné perdant à quelques semaines des primaires démocrates, il les remporte à la faveur de la chute dans l’opinion du « sexteur » Anthony Weiner et de la femme forte du conseil municipal, Christine Quinn. Son credo : «  l’histoire des deux villes », dénonçant le fossé grandissant entre riches et pauvres pendant les douze ans de mandat du maire milliardaire Michael Bloomberg. Le nombre de New-Yorkais vivant sous le seuil de pauvreté a crû de 21 %.

À la différence de Michael Bloomberg, dont la fortune est évaluée à 29 milliards d’euros, Bill de Blasio a grandi dans un milieu modeste. Sa mère et surtout son père, un ancien militaire, ont souffert d’être accusés de sympathies avec l’URSS au moment de la fièvre maccarthyste des années 1950 : elle faisait partie d’un syndicat de fonctionnaires entretenant des liens avec les Soviétiques et lui s’était intéressé à l’URSS lors de ses études à Harvard. Le père, alcoolique et atteint d’un cancer du poumon, a fini par se suicider alors que son fils avait 14 ans. La famille de Blasio n’a rien des Kennedy. Alors que Bill de Blasio travaille pour le premier maire noir de New York, David Dinkins, au début des années 1990, il rencontre son épouse actuelle, une militante lesbienne afro-américaine. Ensemble, ils ont deux enfants, avec lesquels il fait volontiers campagne. La coupe « afro » de Dante, son fils, fait sensation à chaque meeting. « La famille de Blasio est très avancée culturellement, ethniquement et sexuellement », note le journaliste Rich Yeselson sur le site Politico. Ses positions détonnent dans la ville de Wall Street. Alors que New York n’a jamais été aussi sûre, de Blasio veut cesser les contrôles policiers « stop and frisk », jugés discriminants envers les personnes de couleur. Ses modèles en politique ne sont autres que les interventionnistes Franklin Delano Roosevelt, père du New Deal, et l’ancien maire Fiorello LaGuardia, qui, pendant les années 1930, a développé le parc immobilier et les transports à grand renfort d’argent fédéral.

Pas question pour de Blasio de rééditer le New Deal à l’échelle de New York, mais il veut redistribuer la richesse. Dans une ville qui n’a jamais compté autant de milliardaires (70 en 2012), il propose de taxer les plus riches pour financer les crèches et les programmes d’études, et veut mettre un terme à la construction de logements de luxe pour développer des solutions immobilières abordables. «  S’il est élu, résume le consultant démocrate Howard Wolfson, Bill sera un vrai maire progressiste. » Les sympathies de Bill de Blasio pour les idées de gauche lui ont joué des tours. Le New York Times a révélé fin septembre qu’il avait eu des affinités pour le parti sandiniste, qui gouvernait le Nicaragua dans les années 1980. Le même parti que l’administration Reagan considérait comme une menace pour la démocratie. Ses ennemis, désireux de le dépeindre en dangereux socialiste – un gros mot aux États-Unis – font également remarquer qu’il a passé sa lune de miel à Cuba et dirigé l’antenne new-yorkaise du New Party, un parti progressiste proche des syndicats de travailleurs. Qu’importe : les New-Yorkais veulent changer de cap. Par choix ou par défaut. « Les candidats républicains ont été forts ces dernières années, rappelle Bruce Berg, professeur de sciences politiques à l’université new-yorkaise Fordham. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.  »

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