« Histoire de ma mort », d’Albert Serra : Casanova dans la nuit

Histoire de ma mort , d’Albert Serra, film à thèse.

Christophe Kantcheff  • 24 octobre 2013 abonné·es

Les deux précédents longs métrages du Catalan Albert Serra, Honor de Cavalerria  (2006) et le Chant des oiseaux  (2008), se caractérisaient autant par leur économie de moyens que par la fascination visuelle qu’ils déclenchaient. Des films qui alliaient les contraires : jansénistes et baroques, puissamment matérialistes (chantant la beauté des éléments – la terre, l’eau, le ciel…) et dotés d’un souffle spiritualiste. Histoire de ma mort ne se situe pas à rebours. Bien au contraire, ce troisième film affirme davantage la direction déjà prise par le cinéaste, on oserait même dire qu’elle l’explicite.

Albert Serra raconte ici comment un Casanova vieillissant (formidable Vincenç Altaio), se gavant de nourriture, davantage fier de sa défécation que de ses exploits sexuels, est happé par le monde inquiétant et souterrain de Dracula (Eliseu Huertas), et même vampirisé par lui. Autrement dit : comment un homme emblématique du libertinage, expression forte du rationalisme triomphant au siècle des Lumières, est terrassé par les forces occultes et nocturnes. La thèse, sans être nouvelle (Fellini, dans son Casanova, ne disait pas autre chose, mais avec quelle folie !), veut signifier quelque chose de notre époque. Paradoxalement, le « dandy » Albert Serra, souvent accusé d’ésotérisme, affirme ici une ambition idéologique. Au-delà de sa beauté plastique, Histoire de ma mort ne retrouve pas la même force que Honor de Cavalerria et le Chant des oiseaux, par défaut d’innocence.

Cinéma
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