2013 ou la crise de l’idée démocratique

Nous avons retenu quinze événements pour illustrer l’année qui s’achève.

Denis Sieffert  • 19 décembre 2013 abonné·es

Pour illustrer l’année qui s’achève, nous avons retenu quinze événements ou situations qui, à n’en pas douter, feront encore la trame de 2014. La « Françafrique », par exemple. Très symboliquement, l’année 2013, commencée au Mali, s’achève en Centrafrique. Et notre questionnement est le même : il porte moins sur l’intervention française – si elle peut sauver des vies – que sur cette implantation en terres lointaines relevant d’un héritage colonial jalousement entretenu.

On a également été frappé, cette année, par la récurrence et la violence des questions de société. Les débats sur le mariage pour tous, l’immigration, la justice – comme dans l’affaire du bijoutier de Nice – ont été culturellement dominés par une droite extrême, homophobe, islamophobe et raciste, qui défie les règles de la démocratie. La débauche d’insultes dont Christiane Taubira a été la cible montre qu’un vent mauvais souffle décidément sur notre société.

Derrière cette véritable névrose, apparaît un profond malaise social, doublé d’une crise de confiance que François Hollande n’a certainement pas apaisée. Une politique fiscale confuse et segmentée a provoqué des frondes souvent manipulées et parfois violentes, comme les « bonnets rouges » en Bretagne. Le gouvernement a mobilisé contre lui la droite et démobilisé la gauche par des décisions antisociales dont le symbole a été la réforme des retraites. Il a contribué à donner une impression d’impuissance. Comme si nos politiques étaient pris au piège d’un système européen libéral qu’ils ont pourtant validé. L’interminable cortège des faillites d’entreprises et le sort d’autres pays européens dont on peut penser qu’il préfigure le nôtre, aggravé par une crise morale (dévastatrice affaire Cahuzac !), ont créé une atmosphère propice à toutes les démagogies.

Sur la scène internationale, la crise ukrainienne nous renvoie aux mêmes impasses. À l’ouest, une Europe divisée ; à l’est, une Russie plus que jamais fâchée avec la démocratie. L’année a également été marquée par le thermidor égyptien et la tragédie d’un peuple syrien abandonné à la répression. Finalement, tout ou presque renvoie à la crise de l’idée démocratique et au renoncement des pays qui devraient l’incarner, davantage préoccupés par la libéralisation des marchés. Et indifférents par exemple à ces migrants africains naufragés tout près des côtes italiennes. Seul l’accord intervenu sur le délicat dossier du nucléaire iranien, qui coupe l’herbe sous le pied d’un gouvernement israélien plus belliqueux que jamais, dessine un rai de lumière dans une sombre actualité. Quelquefois, tout de même, nous avons écrit le mot « espoir » : pour rendre compte des mobilisations populaires en Turquie, au Brésil, en Grèce, en Espagne, au Portugal… Et pour évoquer la grande figure de Nelson Mandela, « l’homme espoir ». Un libérateur qui n’abuse pas de son prestige pour s’approprier le pouvoir, c’est si rare ! Et on voudrait lui associer cet autre grand contemporain, porteur d’espoir, lui aussi disparu cette année : Stéphane Hessel.

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