Le monde au bout du fil

Sur RFI, Juan Gomez assure chaque jour une émission interactive avec les auditeurs de tous pays. Un espace de réflexion pointu et remarquablement conduit.

Jean-Claude Renard  • 5 décembre 2013 abonné·es

Après l’assassinat d’une journaliste et d’un technicien, Ghislaine Dupond et Claude Verlon, le 2 novembre, le sujet est encore douloureux dans les mémoires quand Juan Gomez consacre son émission, ce jeudi 28 novembre, à un tour d’horizon de la liberté de la presse sur le continent africain, bien au-delà du seul cas de RFI. Un sujet qui rebondit sur la décision de l’ONU, décrétant une journée internationale contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes, précisément le 2 novembre. Au bout du fil et du monde, sur le 09 693 693 70, les auditeurs se succèdent. Du Burkina Faso, où la liberté de la presse est coincée entre la censure et l’autocensure ; de Côte d’Ivoire, où la sécurité des journalistes n’est guère mieux assurée qu’au Gabon, ce dont témoigne l’assassinat récent du rédacteur en chef d’un magazine d’informations ; du Sénégal, enfin, qui pourrait être le bon modèle en matière de liberté de la presse, selon les propos d’un journaliste sur place. Juan Gomez prend ou reprend la parole, précise, relance, fait au mieux quand la liaison se dégrade, revient, rebondit sur un autre auditeur. Un exercice de funambule radiophonique.

Chaque jour, en direct, à 8 h 10, temps universel (9 h 10 en France), avec « Appels sur l’actualité », une heure durant, Juan Gomez assure ce rendez-vous interactif avec les auditeurs de RFI. Des auditeurs qui réagissent à l’actualité internationale, au diapason des journaux diffusés toutes les trente minutes et, en seconde partie, suivant un thème choisi, nourrissant judicieusement le sujet. Plus qu’un tir groupé d’appels tous azimuts, l’émission se veut en effet un lieu d’échanges, de réflexions et de débats, vus des cinq continents (quand même l’auditoire est principalement situé en Afrique, possédant son propre point de vue). Récemment, les échanges ont été consacrés au périple du président Kabila, dans l’est de la République démocratique du Congo, après sa victoire militaire sur les rebelles du M 23, aux élections législatives en Guinée, à la situation « prégénocidaire » en Centrafrique, à la crise post-électorale en Côte d’Ivoire, entre les partisans de Ouattara et les pro-Gbagbo, ou encore aux affrontements meurtriers entre milices en Libye. Loin des rubriques de chats écrasés, du fait divers sensationnel, d’un café du commerce, de vindictes populistes, des infos nombrilistes. Mais autant de sujets qui rendent compte d’un journaliste informé, pointu, calé dans ses connaissances géopolitiques, épaulé par un réalisateur et deux assistantes. Pour le coup, Juan Gomez est rodé, rompu à l’exercice depuis 1996, après s’être affûté au standard du « Téléphone sonne », d’Alain Bedouet, sur France Inter. Né en 1970 à Paris, dans une famille modeste d’origine espagnole, il est arrivé très tôt à la radio, en passionné. Passant sur les stations de la bande FM avant d’entrer à la Maison ronde. Au gré de hasards vertueux et taquins, il débarque en 1992, en pigiste, pour un magazine destiné aux 15/25 ans, à Radio France internationale. Roulez jeunesse.

Aujourd’hui, « Appels sur l’actualité » est l’émission la plus écoutée des programmes de RFI. Présent également sur le petit écran, depuis septembre 2012, avec une chronique régulière dans le « 28 minutes » d’Élisabeth Quint, sur Arte, peu connu du grand public français, Juan Gomez est perçu en star à l’étranger. Déplaçant les foules, jusqu’à plusieurs milliers de personnes lors des délocalisations organisées par la station, à la rencontre de ses 35 millions d’auditeurs, en moyenne, à travers le monde – ce qui en fait la première radio au monde en termes d’audiences, malgré les coupes budgétaires sous l’ère Sarkozy. Ces déplacements réguliers sur le terrain, comme prochainement à Abidjan, soulignent combien RFI est suivi, attendu. Et permettent à Juan Gomez et à son équipe de « prendre la température, d’aller au-delà d’une émission de radio, au-delà de son horaire strict. Il s’agit de sentir la rue, de rencontrer les gens, saisir les choses ». Un juste retour vers les auditeurs fidèles au poste.

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