L’enfance d’un cinéaste (À flux détendu)

La Trilogie de Bill Douglas, encore trop méconnue, est un joyau du cinéma britannique.

Christophe Kantcheff  • 19 décembre 2013 abonné·es

Jaime ne se reconnaît pas dans David Copperfield, livre qu’on lui a mis entre les mains. Parce que l’univers de Dickens lui paraît trop sombre. Et pourtant… Bill Douglas (1934-1991) a raconté en trois films, tournés dans les années 1970, l’enfance et la jeunesse de Jaime : il n’y a pas plus démuni et dénué d’amour. Dans My Childhood  (1972), on fait connaissance avec le petit garçon de 8 ans, en 1945, dans un village minier d’Écosse, élevé avec son frère aîné, Tommy, par sa grand-mère maternelle. Celle-ci meurt à la fin du film, et Jaime est recueilli par sa grand-mère paternelle et son oncle. Le garçon est alors particulièrement maltraité, tandis que Tommy est envoyé en orphelinat : c’est le cœur de My Ain Folk  (1973). Enfin, dans My Way Home  (1978), devenu adolescent, après un passage à l’orphelinat puis à la mine, Jaime fait son service militaire en Égypte, où il rencontre un jeune homme aisé et cultivé, qui lui ouvre des horizons. Aujourd’hui reprise dans un coffret de 2 DVD (Ufo Distribution), la Trilogie de Bill Douglas, encore trop méconnue, est un joyau du cinéma britannique. Le réalisateur y raconte sa propre enfance, mais il le fait avec une totale absence de pathos et de dolorisme. Ce qui donne à l’écran un film minéral, elliptique, presque iconique, bien éloigné du lyrisme naturaliste auquel on pourrait s’attendre. Bill Douglas était passionné par la préhistoire du cinéma et par les débuts de celui-ci : d’où un sens de la composition (en noir et blanc) marqué par le muet et une intensité des silences dans les plans, où les dialogues sont réduits à l’essentiel. Cette beauté formelle, austère et exigeante, relevait, chez le cinéaste, d’une recherche de la vérité. Dans l’un des nombreux suppléments, il déclare ainsi : « Je reproduis ce que j’avais ressenti. Je revis tout, je deviens tous les personnages. Tout est reconstitué, et si je ne le sens pas, alors, je sais que ce n’est pas authentique. »

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