Une union bancaire en trompe-l’œil

Elle ne s’attaque pas aux causes de la crise, elle les aggrave.

Dominique Plihon  • 9 janvier 2014 abonné·es

Les ministres européens des Finances viennent de conclure, fin 2013, un accord pour la mise en place de l’union bancaire, présentée comme une « relance de l’Europe » et un « saut décisif pour sauver l’euro ». Ce nouveau dispositif de régulation bancaire ne s’attaque pas aux causes de la crise de l’euro, il les aggrave. Il n’empêchera pas les crises bancaires futures car il ne remet pas en cause le fonctionnement actuel des banques, dominé par la spéculation. Chacun des trois piliers qui composent l’union bancaire soulève de gros problèmes.

Le premier pilier institue la fonction de superviseur unique de la zone euro, confiée à la Banque centrale européenne (BCE). A priori, un contrôle direct et unifié des banques dans l’espace européen est souhaitable, pour prévenir les crises systémiques, qui proviennent de la défaillance de banques individuelles se propageant à l’ensemble du système bancaire européen. Mais, en réalité, la BCE ne contrôlera directement que les 128 plus grandes banques sur les quelque 6 000 de la zone euro. Or, on sait que la crise bancaire espagnole a été provoquée par les caisses d’épargne de petite taille. Pire encore : puisque les pays de l’Union européenne hors zone euro ne reconnaissent pas l’autorité de la BCE, le Royaume-Uni, à la tête de la principale industrie financière européenne, échappera ainsi au superviseur européen. En second lieu, cette réforme aggrave le déficit démocratique en Europe. Le pouvoir de la BCE va être renforcé par ses nouvelles fonctions. Or aucune décision n’a été prise pour réduire l’indépendance de la BCE et la rendre plus responsable devant les autorités élues, à commencer par le Parlement européen. Peut-on faire confiance à Mario Draghi, président de la BCE et ancien de Goldman Sachs, pour défendre l’intérêt général face aux lobbies bancaires ?

Les piliers 2 et 3 prévoient respectivement la création d’un système européen de garantie des dépôts et un mécanisme commun de résolution des crises bancaires. Le but affiché par ces nouveaux dispositifs est double : renforcer la solidarité entre pays en cas de crise et faire payer aux actionnaires, plutôt qu’aux contribuables, le coût des défaillances bancaires. Il est fort probable que ces beaux principes resteront lettre morte. En effet, les ressources financières prélevées sur les banques pour alimenter le fonds européen de résolution ne s’élèveront qu’à 60 milliards d’euros… en 2026. C’est ridiculement faible : la seule BNP Paribas représente 2 000 milliards d’euros. Par ailleurs, l’Allemagne, qui refuse de payer pour les banques des pays du sud de l’Europe, a obtenu que les mécanismes de solidarité soient fortement réduits.

Mais la principale limite de l’union bancaire est qu’elle ne s’attaque pas au modèle bancaire dominant en Europe, qui mélange les activités de détail tournées vers les ménages et les PME, et les activités d’investissement tournées vers les marchés et la spéculation. Or, ce sont ces dernières qui sont à l’origine de la crise financière et menacent l’investissement et l’emploi. La réforme de la régulation bancaire en Europe doit commencer par une remise en cause de la banque dite universelle, en introduisant une séparation radicale des activités de banque de détail et de banque d’investissement.

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