La cortisone suffira pas

Les gens des urgences m’ont narré que je faisais une allergie aux « socialistes »

Sébastien Fontenelle  • 27 février 2014 abonné·es

Ça fait des mois et des mois – et des mois – que ça dure : j’ai les yeux éclatés et le nez qui dégouline pis qu’un prêche de Paulo Coelho, j’éternue quinze à vingt heures par jour, et pendant les quatre à neuf heures où je n’ai pas le nez dans un Kleenex, j’ai des plaques rouges de la taille de Saint-Pierre-et-Miquelon qui me poussent un peu partout – mais qui, je dois reconnaître, ne commencent à me faire vraiment mal qu’après que je les ai grattées jusqu’à l’os.

Adoncques : je suis été [^2] chez l’allergologue, qui m’a infligé une longue batterie de tests d’où ressort que tout va plutôt bien, merci, et que je supporte parfaitement les fruits de mer, les acariens (aucun rapport avec la Louisiane) et le foin fraîchement coupé. (Certes : j’ai vomi à longs traits, quand cette méticuleuse praticienne m’a fait lire tout un billet de blog du prédicateur vendredique du Figaro  [subventionné] de Serge Dassault [de l’UMP] –  a man called Ivan Rioufol. Mais elle m’a expliqué que ça n’avait aucun rapport avec une quelconque allergie : c’est une réaction normale, m’a-t-elle assuré, c’est si vous n’aviez pas rendu votre petit-déjeuner que je me serais véritablement inquiétée.)

Alors quoi, je lui ai demandé : je suis allergique à rien ? À première vue, non, m’a-t-elle répondu – mais je voudrais quand même effectuer une dernière vérification, si tu permettissiez [^3]. Mais faites, j’ai fait [^4]. Et la voilà qui me sort une photo de Jean-Marc Ayrault – et là, je pars dans une série d’éternuades qui dure 45 minutes, montre en main. Elle me montre alors un livre de Manuel Valls : je vire rouge vif, et je me mets à me griffer l’œil en poussant d’abominables hurlements. Je crois que je vois ce que c’est, me dit-elle alors, mais faut que je m’en assure – et bim, elle me balance un tweet où Jean-Marie Le Guen récite (encore) un tract du Medef.

Ce n’est que 24 heures plus tard, quand j’ai repris connaissance, que j’ai su que j’avais alors fait un gravissime œdème de Quincke. Les gens des urgences alors m’ont narré que je développais une monstrueuse « mais si compréhensible » allergie aux ««««« socialistes »»»»» à (cinq paires de) guillemets, qui sont de droite. Des comme vous, on en voit toutes les heures, ont-ils ajouté : vous êtes des dizaines de millions dans le même cas. Puis de conclure : le problème, c’est que ça se soigne pas à la cortisone, et que le seul moyen de vous guérir serait de les virer, à grands coups de pompes dans les parties basses. C’est ce que j’aime, chez le corps médical : son diagnostic est toujours très sûr.

[^2]: Je sais parfaitement que j’aurais normalement dû écrire : « J’ai allé », mais j’ai décidé que je conjuguerais désormais comme Jean-François Copé – le gars, tu sais, qui pense qu’il faut que son parti « reconquérisse » (je cite) les Françai(se)s.

[^3]: Voir la note précédente.

[^4]: Tu cherchissiez une douzaine d’allitérations pour l’anniversaire de ton tonton Raymond ? Appelle-moi, je te ferisse un prix de gros.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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