Cherchez la femme…
Parlons un peu élections municipales. J’ai choisi le IXe arrondissement, que je traverse fréquemment en ce moment, parce qu’on y assiste à un duel de femmes sans merci. Le candidat sortant PS Jacques Bravo cède son siège à la ci-devant Pauline Véron, son adjointe depuis 2001. Mais, si on en croit la candidate UMP, la gente Delphine Bürkli, il n’y aurait pas de quoi les applaudir. Cette fille de commerçants du quartier estime qu’« il ne faut pas réduire le IXe à un fief de bobos, les gens veulent autre chose, plus de sécurité, des espaces verts, des aides pour les jeunes, l’ouverture dominicale des commerces… ». Les tracts incendiaires qu’elle distribue sur les marchés en disent long sur son réel positionnement. Impitoyable, elle aligne les photos tronquées pour dénoncer les nuisances et les odeurs : « Un constat s’impose. Le IXe arrondissement est sale. Les poubelles débordent, les trottoirs sont jonchés de déchets et les équipements publics abandonnés. » Et elle prône quelques mesures d’envergure que la gauche n’aurait pas su prendre : des poubelles ramassées rapidement et des sanctions pour toute dégradation des équipements publics, un adjoint dédié uniquement à la propreté, la voirie et les espaces verts, la délégation de la collecte à des entreprises (ben, voyons !) et la réaffectation des effectifs de la propreté de Paris au nettoyage des rues.
Bla-bla-bla… On notera quand même les sanctions, à l’unisson avec la suite de ses « propositions concrètes », dont certaines laissent augurer d’un bon climat de quartier : « Tolérance zéro pour les incivilités, sanctionnées par des patrouilles de “brigades vertes ”, brigade propreté volante, la nuit et le week-end, pour intervention rapide » ; sans oublier la bonne vieille délation « avec un numéro gratuit 7j/7, 24h/24, pour signaler une dégradation » . Qu’on se le dise, Delphine va nous faire aimer la propreté ! En filigrane, on pressent des peines de prison pour les vils saccageurs de trottoirs. Mais Delphine est quand même une nana sympa : en septembre 2012, elle défendait avec ferveur les Pussy Riot et dénonçait des « peines de prison excessives et démesurées [qui] vont à l’encontre des valeurs européennes d’État de droit et de démocratie » .
Le duel de ces deux presque quadras du IXe est aussi symbolique d’un autre affrontement. Au-dessus des candidates locales, plane l’ombre et le marrainage des deux prétendantes au trône de Paris : Anne Hidalgo (AH) et Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM). La première, c’est « Paris qui ose », la seconde, c’est « NK aime (un M en forme de cœur) Paris ».
Il faut lire le programme de cette dernière et sa lettre aux Parisiens (4 pages éditées à 500 000 exemplaires et distribuées dans les boîtes aux lettres par les fans) qui l’accompagne. Outre le côté racoleur (mais c’est l’objet d’une telle lettre) de certaines formules, « Paris est une chance, Paris est une promesse » , « Paris ville à énergie positive » et les foutaises du type « je serai la maire du zéro augmentation d’impôts » , son programme donne à fond dans l’antienne sécuritaire. Il y est question de « police de quartier » , de « tolérance zéro » , « d’unités d’ intervention [de police] dans les 122 quartiers de la capitale » , de « doubler le nombre de caméras dans les rues d’ici à 2020 » pour viser à terme le 1/1000, de « conciergerie de quartier » (les brigades et la délation vertes) et d’extension générale des horaires d’ouverture des crèches, métros, mairies, stades, bibliothèques et commerces. Obligatoire, cela va de soi, et tant pis pour ceux qui ne voudraient pas travailler plus !
Bref, NKM c’est la voix de son maître, la petite vizirette qui se verrait bien califette à la place de… en 2022. Ce n’est pas que le programme d’Hidalgo soit plus crédible, mais le Paris PS de Bertrand Delanoë est déjà suffisamment « sécurisé ». On n’a pas franchement envie d’en rajouter et de basculer dans l’injonction sécuritaire, fût-elle verte, permanente.
Et pendant ce temps-là…
Bernard Stiegler contre-performe au théâtre (il aime ça le « pesctacle ! ») sur l’écroulement des modèles économiques, le développement de la « réticulation numérique » (sic), la (déjà si vieille) question de l’automatisation et la « renaissance du travail dans une société de contribution où les gains de temps issus de l’automatisation seront massivement réinvestis dans la capacitation et la déprolétarisation du travail ».
Ah, misère, misère !
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