Éradiquer l’évasion fiscale

La levée du secret bancaire est une avancée mais reste insuffisante.

Dominique Plihon  • 27 mars 2014 abonné·es

Le sommet européen des 20 et 21 mars a officialisé la levée du secret bancaire, après que l’Autriche et le Luxembourg ont fini par y renoncer. Les États membres de l’Union européenne et la Suisse seront désormais obligés de procéder à des échanges automatiques d’informations fiscales concernant les placements de leurs ressortissants dans les pays tiers. Le fraudeur sera alors imposé au tarif appliqué dans le pays où il habite, ce qui rend l’évasion fiscale inintéressante au sein de l’Europe. Il faut saluer cette avancée.

Mais la levée du secret bancaire est très insuffisante. Si, pour payer moins d’impôts, un riche Français veut résider en Belgique ou en Suisse (comme de nombreux artistes et sportifs), il en aura toujours le droit ! L’échange d’informations ne concernera pas les résidents, quelle que soit leur nationalité. Par ailleurs, cette mesure ne concerne que les pays de l’UE et la Suisse. Or une grande partie de l’argent placé en Autriche, à Chypre ou à Londres appartient à des Russes, à des Ukrainiens, à des potentats orientaux. Grâce au secret bancaire, aux trusts et autres fondations, ils continueront à mettre leurs fortunes souvent mal acquises à l’abri de tout contrôle. De même, les multinationales pourront continuer à faire de « l’optimisation fiscale » en localisant leurs profits dans les paradis fiscaux tels que… l’Autriche et le Luxembourg !

On connaît les décisions qu’il faudrait prendre pour éradiquer l’évasion fiscale. Celle-ci coûte, rappelons-le, 2 000 milliards d’euros aux États de l’UE, dont 80 milliards en France, montant supérieur au déficit de l’État… Deux mesures permettraient des avancées substantielles. La première est l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés (IS) dans l’UE car l’évasion fiscale est d’abord le fait des multinationales. Il faut commencer par définir une assiette fiscale commune pour les sociétés, en appliquant la directive de la commission européenne dite Accis pour « assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés ». L’assiette commune devrait être complétée par une harmonisation des taux de l’IS dans le cadre d’un « serpent fiscal européen » (avec des taux minimum). À défaut d’un accord entre les 28 membres de l’UE, peu probable à court terme, ces mesures pourraient être mises en œuvre dans le cadre d’une coopération renforcée, à l’image de celle décidée entre 11 membres de l’UE pour la taxe sur les transactions financières.

Une seconde décision consisterait à élargir la lutte contre l’évasion fiscale au-delà des frontières de l’UE. Il s’agit de l’adoption par l’UE de l’équivalent de la loi Fatca (1), votée aux États-Unis en 2010. Cette mesure obligerait toutes les institutions financières situées hors de l’UE ouvrant un compte à un citoyen, ou une société à capitaux majoritairement européens, à déclarer ce compte aux administrations fiscales des pays membres de l’UE. Si elle était appliquée conjointement à Fatca, cette mesure porterait un grand coup à l’évasion fiscale. Si la levée du secret bancaire a été décidée, c’est en grande partie sous la pression citoyenne. Nous devons intensifier celle-ci. Les élections européennes doivent être l’occasion d’interpeller les candidats sur leurs engagements pour lutter contre ce fléau.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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