Le rachat de SFR passe par des paradis fiscaux

Vivendi a décidé d’entrer en négociations exclusives avec Altice pour le rachat de SFR. Que cache cette holding, une des trois actionnaires de Numéricable ?

Thierry Brun  • 14 mars 2014 abonné·es

L’annonce a sans doute surpris les néophytes du casino boursier , animé par les multinationales de la télécommunication. Dans son communiqué du 14 mars, le conseil de surveillance de Vivendi a annoncé qu’il entrait en négociations exclusives avec Altice , estimant que son offre de rachat de SFR est « plus pertinente pour les actionnaires » que celle de Bouygues . Le nom du câblo-opérateur Numericable Group , qui est pourtant une société anonyme de droit français, n’apparaît pas dans ce communiqué.

Quelle est donc cette entreprise nommée Altice dont l’offre est plus attractive que celle de Bouygues ? Altice, holding cotée à la Bourse d’Amsterdam, a présenté une proposition alléchante, qui nécessite d’importants moyens financiers : elle « prévoit un paiement à Vivendi de 11,75 milliards d’euros, l’attribution de 32 % du capital de l’entité cotée combinée et la sortie de Vivendi selon des modalités programmées » , détaille Vivendi.

Altice Six SA est l’un des trois gros actionnaires de Numericable Group , avec en tête Carlyle et Cinven , des fonds d’investissements américain et britannique qui ont participé activement au montage financier complexe de la multinationale, qui se présente comme « l’unique câblo-opérateur en France » . Les maisons mères de Numericable Group sont en effet Ypso Holding SARL et Altice B2B Lux SARL , deux entités logées au Luxembourg , un paradis fiscal très prisé, et un membre de l’Union européenne qui bataille fermement pour préserver son secret bancaire.

Illustration - Le rachat de SFR passe par des paradis fiscaux - Document fourni en 2013 par Numericable Group à l'Autorité des marchés financiers.

Vivendi compte donc céder SFR à Numéricable Group, dont la principale filiale, Ypso Holding SARL, est dans un paradis fiscal. Cette situation, qui va à l’encontre des déclarations du gouvernement en matière d’évasion fiscale, n’a pas échappé à Arnaud Montebourg , ministre du Redressement productif, qui soutient l’offre de Bouygues depuis plusieurs jours. Apprenant la décision de Vivendi, celui qui fut un député très actif pour lutter contre les paradis fiscaux dans une commission d’enquête parlementaire, n’a pas manqué de relever que l’offre de l’actionnaire Altice posait des problèmes fiscaux et de concurrence.

Évoquant Patrick Drahi , fondateur et dirigeant d’Altice, Arnaud Montebourg a protesté : « Il y a un problème fiscal puisque Numericable a une holding à Luxembourg ; son entreprise est cotée à la Bourse d’Amsterdam, sa participation personnelle est à Guernesey et lui-même réside en Suisse » . Le ministre semble découvrir que le principal câblo-opérateur français est entre les mains de fonds d’investissements et d’Altice, qui ont délocalisé la gestion financière du groupe Numericable vers des horizons fiscaux plus attractifs que l’Hexagone.

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