Le vice et la vertu

Conséquence de ces affaires : les clivages politiques se déplacent sur le terrain de la morale.

Christophe Kantcheff  • 20 mars 2014 abonné·es

C’est Jean-François Copé, soupçonné d’avoir permis à la société de communication Bygmalion, via sa filiale Event & Cie, dirigée par deux de ses proches, de surfacturer ses prestations à l’UMP, notamment lors de la campagne présidentielle de 2012. Depuis, on a appris que le parquet de Paris avait ouvert le 5 mars une enquête préliminaire à ce sujet.

C’est Patrick Buisson, l’un des conseillers les plus proches de Nicolas Sarkozy, « l’hémisphère droit » de son cerveau, selon les propres mots de l’ancien président de la République, son âme damnée maurassienne, qui se révèle en génie du dictaphone camouflé dans les ors de la République. Ses enregistrements (280 heures au total !) sortent par extraits dans la presse.
Ce sont enfin l’ancien président de la République et son avocat, Me Thierry Herzog, dont les conversations téléphoniques interceptées, à la faveur d’une mise sur écoute, suscitent l’ouverture d’une information judiciaire pour « violation du secret de l’instruction » et « trafic d’influence » . Les juges vont devoir faire la lumière sur la manière dont Nicolas Sarkozy a été mis au courant, ou non, des écoutes téléphoniques dont il était la cible, et déterminer s’il a tenté de favoriser la carrière d’un avocat général près la Cour de cassation, Gilbert Azibert, en échange de renseignements sur l’évolution des tendances au sein de cette auguste institution.

Cette succession de révélations sur les turpitudes de hautes figures de la droite – même si celles-ci, quand la justice s’en mêle, bénéficient, comme chaque citoyen, de la présomption d’innocence – s’est concentrée sur une semaine. Une semaine d’autant plus folle qu’elle s’est achevée sur un renversement de situation spectaculaire : la mise en accusation de l’actuel exécutif.
Si les amis de Nicolas Sarkozy ont su organiser une riposte efficace au plan communicationnel, il faut reconnaître que l’ancien président a trouvé des alliés, certes involontaires, mais de taille : Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur, qui a déclaré n’avoir rien vu rien su ; et bien sûr la ministre de la justice, Christiane Taubira, qui n’a pas voulu assumer publiquement le fait d’être au courant des écoutes. Une bourde transformée en affaire d’État. Mais la ficelle est un peu grosse.

Tandis qu’elles disent beaucoup sur la conception par un certain clan de son rapport au pouvoir, ces affaires attestent de l’indépendance de la justice, en même temps qu’elles interrogent sur la capacité du système judiciaire à « maintenir l’équilibre entre l’accusation et la défense » , comme le dit Michel Tubiana (voir ci-contre). Ces affaires ont aussi une autre conséquence : à l’heure où les orientations économiques se ressemblent d’un gouvernement l’autre, où un pacte de responsabilité succède à un bouclier fiscal, les clivages politiques se déplacent sur le terrain de la vertu et de la morale. Quand la politique est en panne, les affaires continuent…

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