Des sensibilités à vif

Au lendemain des municipales, le torchon brûle entre le Parti de gauche et le PCF. Quelles conséquences pour les élections européennes ?

Pauline Graulle  • 2 avril 2014 abonné·es

Ils n’ont pas encore entamé de procédure de divorce, mais l’heure n’est plus à la lune de miel entre le Parti de gauche (PG) et le PCF. Alors que les composantes du Front de gauche doivent se retrouver ces jours-ci pour constituer leurs listes aux européennes, l’ambiance n’a jamais été aussi délétère. En cause, les municipales, qui ont rompu la confiance et creusé le fossé entre les deux formations principales.

Si elles avaient mal commencé, les élections ne se sont pas mieux terminées. À la fin de l’été, explosait au grand jour la querelle entre Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent autour du cas parisien : le premier plaidant pour une stratégie autonomiste, le second pour des alliances dès le premier tour avec le Parti socialiste afin de s’assurer des sièges. Ce désaccord stratégique s’est multiplié dans quelque deux cents communes. Et a envenimé la campagne, qui a tourné au vinaigre dans des villes emblématiques. À Saint-Denis (93), le chef de file local du PG a appelé à voter blanc après avoir été évincé dans l’entre-deux tours de la liste du communiste Didier Paillard, pourtant engagé dans un duel serré avec le candidat PS. Ambiance tout aussi houleuse à Montpellier, où les communistes et Ensemble n’ont toujours pas avalé le comportement « anti-Front de gauche » de la candidate PG, qui a refusé une fusion technique de second tour avec le candidat PS dissident – et finalement victorieux : « Cette fusion, acceptée par Philippe Saurel, aurait permis d’instaurer la représentation politique des 5 500 électeurs qui ont voté Front de gauche [et de] remplacer sans attendre la délégation à Veolia par une régie publique de l’eau », a réagi le PCF montpelliérain. Enfin, à Paris, l’entre-deux tours a été un désastre : reçu dans un placard à balais pour ouvrir les négociations, le PG Alexis Corbière a peu goûté que Ian Brossat, chef de file PCF, lui demande publiquement de reconnaître que la stratégie autonomiste était une erreur. « À Paris, surtout, les plaies resteront durablement ouvertes », indique Martine Billard, coprésidente du PG, qui avertit qu’ « on ne peut pas partir seul et ensuite se dire Front de gauche quand ça nous arrange ». Voilà qui promet pour les européennes…

D’autant que les conflits autour des questions stratégiques masquent des désaccords réels : sur le productivisme, l’écologie, le front républicain ou l’attitude à adopter face au gouvernement… Exemple à Paris, où le PCF s’est engagé à voter les six prochains budgets d’austérité d’Anne Hidalgo. Ou encore à Grenoble (voir ci-contre) : tentant tant bien que mal de justifier leur choix de soutenir un socialiste contre le candidat EELV-PG, les communistes se sont fendus d’une « lettre ouverte » dénonçant « le projet catastrophique des Verts », notamment leur refus de défendre l’entreprise chimique Vencorex, « qu’ils jugent polluante » … Au grand dam des militants, l’avenir est donc des plus incertains. À l’instar de la combinaison EELV-PG gagnante à Grenoble, un rapprochement avec les Verts – tendance Eva Joly – semble de plus en plus souhaitable. Une « troisième gauche » appelée de ses vœux par Éric Coquerel, secrétaire national du PG. Sans le PCF ? Martine Billard reste floue : « Nous voulons rassembler le plus large possible. » Aux communistes désormais de choisir leur camp.