EELV : la fissure du congrès est devenue fracture
La sortie des écologistes du gouvernement consacre l’explosion de la fragile ligne majoritaire du parti écologiste, qui va devoir rapidement s’inventer une stratégie de rechange.
Le bureau exécutif d’Europe écologie-Les Verts (EELV) a franchi le Rubicon, hier, en décidant, par une majorité large (7 voix pour, 3 contre, 5 abstentions), de ne pas participer au gouvernement Valls. Il transforme en coup de barre politique le départ des deux ministres Duflot et Canfin.
Cependant, le communiqué des deux ministres ne laissait pas de place au doute, dessinant un départ définitif, guère possible de maquiller en une simple incompatibilité de caractère de Duflot avec le nouveau Premier ministre. Et celui du bureau exécutif (BE) reprend des termes proches.
La ligne a donc été tracée par Cécile Duflot, qui reste la vraie patronne des écologistes.
Saisissant la perche tendue par le remaniement gouvernemental, ce départ acte un durcissement de la position du parti, déjà très lisible depuis le résultat fragile du congrès de Caen du 30 novembre dernier, où les « pro-gouvernement » ne l’avaient emporté que de justesse. Une majorité d’ailleurs battue dès les conseils fédéraux qui ont suivi, lors du vote d’importantes motions.
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La réunion du BE, qui a duré six heures, s’est conclue sur deux fractures. La première affecte la majorité sortie du congrès de Caen : d’un côté les proches de Cécile Duflot, qui n’ont pu la désavouer. Et de l’autre, les proches de Denis Baupin, qui tenaient à rester au gouvernement. Équidistante, Emmanuelle Cosse a choisi de ne pas prendre part au vote.
L’autre fracture intervient avec la plupart des parlementaires EELV, qui ont trouvé séduisante l’offre de Valls aux écologistes (certains se voyaient déjà ministres) : un « grand ministère » de l’Écologie et de l’Énergie, ainsi que des garanties sur la loi de transition énergétique en préparation, à laquelle EELV attribuait la valeur de test décisif.
Invités au BE, Barbara Pompili, François de Rugy (coprésident du groupe EELV à l’Assemblée nationale) et Jean-Vincent Placé (président du groupe EELV au Sénat) ont bataillé pendant quatre heures, mais en vain, pour tenter de faire valoir la position très majoritaire de leurs troupes.
Ce renversement politique, opéré dans l’urgence imposée par la raclée électorale du PS aux municipales (où EELV a fait bonne figure), pourrait ne pas déclencher trop de remous lors du conseil fédéral de samedi prochain.
Contrairement à l’épisode du départ de Delphine Batho, ex-ministre de l’Écologie, qui avait vu les écologistes établir leur position à l’occasion d’une réunion controversée, convoquée à la hussarde en son ministère par Duflot, la décision de ce mardi 1er avril paraît très en phase avec la position du mouvement aujourd’hui. Ainsi Nicolas Dubourg, membre du BE et de l’ex-majorité « pro-participation gouvernementale » d’EELV (comme il faut désormais la qualifier), faisait état de la pression catégorique du groupe local qui l’a élu, presque unanimement favorable à une sortie du gouvernement.
Reste aux écologistes à s’inventer rapidement une stratégie de rechange. Elle est actuellement définie par défaut par les communiqués Duflot-Canfin et du BE : EELV ne sort pas formellement de la majorité gouvernementale (les parlementaires écolos respirent…), et l’accompagnera « avec la vigilance la plus haute mais aussi notre solidarité chaque fois que le cap choisi sera le bon » .
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