« Fasciste ». Marine Le Pen déboutée de sa plainte contre Mélenchon

Pour la 17e chambre correctionnelle, le terme «fasciste» est «dépourvu de caractère injurieux lorsqu’il est employé entre adversaires politiques sur un sujet politique».

Politis.fr  • 10 avril 2014
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« Fasciste ». Marine Le Pen déboutée de sa plainte contre Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon , poursuivi par Marine Le Pen pour injure, pour avoir employé le terme « fasciste » à son égard, a été relaxé jeudi par la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris. La présidente du Front national reprochait au coprésident du Parti de gauche d’avoir fait cette réponse, le 5 mars 2011, à un journaliste d’iTélé qui lui demandait de commenter un sondage plaçant pour la première fois Marine Le Pen en tête du premier tour de la présidentielle à venir :

Non, tout ça, c’est une guignolisation de la politique qui est absolument invraisemblable. Pourquoi voulez-vous que le peuple français soit le seul peuple qui ait envie d’avoir un fasciste à sa tête ? Donc tout ça est une espèce de fabrication par les instituts de sondage […], nous sommes en train d’en parler alors que c’est aussi stupide que si on annonçait que le père Noël est en tête.

À l’audience, le 6 mars, les débats avaient porté sur le fait de savoir si le terme « fasciste » devait être considéré comme une injure ou une caractérisation politique (Voir les compte-rendus du Monde et de Rue89). Cité comme témoin, notre collaborateur Michel Soudais avait rappelé que Politis avait inscrit à sa Une, le 23 mai 1990, « Le Pen est un fasciste » et qu’aucune poursuite n’avait alors été intentée contre notre journal. Il avait poursuivi en expliquant que le changement de présidence à la tête du FN n’en avait pas changé la nature profonde, comme il avait eu l’occasion de l’écrire sur ce site.

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«Deux procès gagnés en une semaine»

Si le terme « fasciste » peut effectivement être considéré en droit comme une injure, le tribunal estime dans son jugement que cela dépend du contexte:

Si le terme « fasciste » peut prendre une connotation outrageante quand il est utilisé en dehors de tout contexte politique ou s’il est accompagné d’autres termes dégradants, il est, en revanche, dépourvu de caractère injurieux lorsqu’il est employé entre adversaires politiques sur un sujet politique.

Dans un tel contexte, il se situe « dans le cadre d’un débat d’idées et d’une polémique sur la doctrine et le rôle d’un parti politique, sur lesquels Jean-Luc Mélenchon pouvait légitimement faire valoir son opinion (…) sans dépasser les limites autorisées de la liberté d’expression en la matière. »

« Toute la politique du FN qui consistait à vouloir faire taire les journalistes et ses adversaires politiques a échoué », a réagi l’avocat de Jean-Luc Mélenchon, Me Raquel Garrido, qui souligne que Mme Le Pen « souhaitait instrumentaliser le tribunal pour se dédiaboliser » et voulait « faire interdire » l’utilisation du terme fasciste la concernant. « Il faut cesser avec la dédiabolisation » , « appeler un chat un chat », « Mme Le Pen est condamnée aujourd’hui à supporter qu’on la caractérise comme fasciste », a insisté l’avocat de Jean-Luc Mélenchon, qui pour sa part s’est félicité sur Twitter du verdict du tribunal.

Il y a une semaine en effet , dans l’affaire des « faux tracts », Marine Le Pen, citée à comparaître par Jean-Luc Mélenchon, avait été jugée coupable par le tribunal correctionnel de Béthune de « manœuvre frauduleuse » et publication d’un montage sans le consentement de l’intéressé. Et condamnée à une peine de 10 000 euros d’amende. Elle a fait appel de ce jugement toutefois, contrairement à ce qu’elle prétend, et prétendra encore peut-être ce soir sur France 2 dans l’émission que David Pujadas lui consacre, son appel ne signifie pas qu’elle n’a pas été condamnée mais que cette condamnation n’est pas définitive, comme l’a démontré Maître Eolas. Déjà condamnée pour procédure abusive, mi-janvier, Marine Le Pen est en outre sous le coup d’une enquête pour « incitation à la haine raciale » suffisamment sérieuse pour que le Parlement européen accepte de lever son immunité parlementaire.

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