Les étapes de la fronde qui secoue le PS depuis les municipales

Durant un mois, des socialistes ont tenté d’infléchir la politique du gouvernement. Chronologie d’un mouvement de protestation inédit.

Michel Soudais  et  Pauline Graulle  • 30 avril 2014
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Les étapes de la fronde qui secoue le PS depuis les municipales
© Crédit photo: FRED DUFOUR / AFP

L’abstention de 41 députés socialistes , hier, lors du vote sur le programme de stabilité que Manuel Valls va transmettre à la Commission européenne, n’a rien d’un coup de tonnerre dans un ciel serein. Non seulement ce refus d’avaliser la trajectoire économique pour la fin du quinquennat n’a rien d’irréfléchi, mais il prend appui sur un mouvement que l’exécutif n’a pas voulu entendre depuis qu’il est apparu, il y a un mois.

30 mars : Défaite historique du PS aux municipales qui perd plus de 155 villes de plus de 9.000 habitants, dont Reims, Limoges, Saint-Etienne, Angers, Quimper, Caen, Toulouse…, essentiellement au profit de la droite.
Le courant d’Emmanuel Maurel, Maintenant La Gauche (MLG), publie une « Adresse au président de la République », où il estime que « le problème n’est pas “méthodologique”, il est politique. Le sujet central n’est pas la demande d’autorité, il est le refus de l’austérité. Il ne s’agit pas d’“envoyer des signaux de gauche” à notre électorat, il faut changer de cap ». MLG qualifie le pacte de responsabilité de « mort-né » .

31 mars  : François Hollande nomme Manuel Valls à Matignon. Une quarantaine de parlementaires MLG, UMA, Gauche Durable et Gauche populaire se réunissent le soir même pour une réunion à huis clos. A la sortie, ils préviennent que le vote de confiance au nouveau gouvernement n’est pas acquis.

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2 avril  : Dans une interview à Mediapart, Henri Emmanuelli estime que le PS est devenu un « parc à moutons »  : « Au bureau national du PS il y a 68 personnes aujourd’hui, plus les assistants. On peut à peine rentrer dans la salle et on ne débat de rien » .

4 avril  : Suite à ce qui a été décidé lors de la réunion du 31 mars, plus de 82 parlementaires demandent un « contrat de majorité ». « Cette défaite électorale ne doit pas se transformer en renoncement démocratique. Au contraire, le temps du Parlement est venu » , écrivent-ils dans ce qui sera surnommé « l’Appel des Cent ». C’est la première fois qu’un nombre aussi important de députés socialistes signent un texte qui, sans demander tout à fait un changement de cap, remet autant en cause la politique menée par l’exécutif.

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8 avril  : 11 députés socialistes (dont Jérôme Guedj, Pascal Cherki,  Pouria Amirshahi, Fanélie Carrey-Conte…) s’abstiennent de voter la confiance au gouvernement Valls.

10 avril  : Caroline de Haas, ex porte-parole d’Osez le Féminisme, annonce publiquement qu’elle quitte le PS. : « La liste de nos renoncements est si longue ces derniers mois que cela donne le tournis. Au lieu de construire un rapport de force et de nous dégager des marges de manœuvres politiques et économiques pour mieux répartir les richesses, nous avons – presque méticuleusement – remis en cause nos fondements politiques » , explique-t-elle dans une tribune publiée sur le site de Mediapart.

11 avril  : Liêm Hoang Ngoc, membre du bureau national du PS et député européen, explique publiquement les raisons de son opposition au pacte de responsabilité et annonce sa participation à la « Marche contre l’austérité » organisée le lendemain.Lire > Liêm Hoang Ngoc : « Il est urgent de changer de politique » 15 avril  : Le conseil national du PS entérine, à huis-clos et dans une ambiance houleuse, la nomination, décidée par l’Elysée, de Jean-Christophe Cambadélis qui devient premier secrétaire du PS après l’exfiltration de Harlem Désir au gouvernement. Contre toute attente, « l’aile gauche » du PS, qui réclame en vain un congrès anticipé, présente (pour la forme) un candidat alternatif, Sylvain Mathieu. Il recueille 32,9 %.

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Illustration - Les étapes de la fronde qui secoue le PS depuis les municipales - Photo: PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP

16 avril : Manuel Valls, flanqué de quatre ministres potiches, détaille son plan d’économies à l’issue du Conseil des ministres. Quelques 150 députés socialistes découvrent ses annonces à la télé en réunion de groupe. Ils seront plusieurs à s’en plaindre vertement.

Lire > Tollé à gauche contre les annonces de Manuel Valls

17 avril  : Une petite dizaine de socialistes de « l’aile gauche » (Pouria Amirshahi, Stéphane Delpeyrat, Charlotte Brun, Frédéric Hocquard, Delphine Mayrargue, Isabelle Thomas, ainsi que Sandrine Chernoz, Antoine Detourné et Roberto Romero), quitte le secrétariat national du PS. Un départ que la direction de leur courant, Un monde d’avance, ne tarde pas à expliquer dans une lettre à ses militants : «  Les électeurs ne sont pas idiots. Ce n’est pas un manque de communication ou de pédagogie des réformes qui est à l’origine du vote des municipales : c’est le contenu même des politiques qui est rejeté » .

Illustration - Les étapes de la fronde qui secoue le PS depuis les municipales - Christian Paul, un des onze signataires de la lettre à Manuel Valls (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Le même jour, dans un courrier adressé à Manuel Valls, onze députés socialistes, qui affirment s’exprimer « au nom de l’Appel des Cent » , demandent de ramener le plan d’économies de 50 à 35 milliards et font des « contre-propositions ».

Lire > L’avertissement des députés PS frondeurs à Manuel Valls

22 avril  : Afin de désamorcer la fronde des députés, Manuel Valls reçoit une dizaine de députés qui ne contestent pas le montant du plan d’économies de 50 Mds€ mais proposent une autre répartition. Cette délégation est conduite par Bruno Le Roux, le président du groupe socialiste à l’Assemblée, qui va jouer les intercesseurs.
De son côté, le député d’Indre-et-Loire Laurent Baumel co-animateur de la Gauche populaire et signataire de « l’Appel des 100 », dénonce la « monarchie républicaine » à l’œuvre

24 avril  : «  Le 29 avril, nous ne voterons pas le pacte de stabilité de François Hollande , annoncent les députés Christian Paul, Jean-Marc Germain et Laurence Dumont[^2], dans une tribune publiée par Libération. Pour la première fois depuis juin 2012, nous n’apporterons pas notre suffrage au gouvernement issu de la majorité à laquelle nous appartenons. »
Le matin, au micro de RTL, Bruno Le Roux avait menacé à mots couverts les députés qui seraient tentés par des « échappées individuelles » . En réponse, des militants socialistes lancent sur internet une pétition des « socialistes contre l’austérité » pour lancer « un cri d’alarme » . En quatre jours, ce texte qui estime que « la gauche ne réussira que si elle démontre qu’elle met en place une autre politique que celle de la droite  », recueillera plus de 3 000 signatures de militants et élus.

28 avril  : Le bureau national du PS, lors d’une séance exceptionnelle décidée quatre jours auparavant par Jean-Christophe Cambadelis, approuve une résolution de soutien au programme de stabilité du gouvernement. Par 31 voix « pour », 15 « contre » et une abstention. Ce vote essentiellement destiné à faire pression sur les députés récalcitrants n’aura pas l’effet escompté.

Illustration - Les étapes de la fronde qui secoue le PS depuis les municipales - Les députés Jéérôme Guedj et Jean-Marc Germain à l'Asssemblée natonale, le 29 avril (JACQUES DEMARTHON / AFP)

29 avril  : Malgré les pressions qui se sont poursuivi jusqu’à la dernière minutes, 41 députés socialistes s’abstiennent de voter le programme de stabilité que le Premier ministre transmettra à la Commission européenne le 7 mai. « C’est un acte fondateur » , commentent les « socialistes contre l’austérité » (Ici).

[^2]: Elle l’a finalement voté.

Politique
Temps de lecture : 7 minutes
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