Un plan B pour Hollande

Il faut conditionner le CICE à des critères écologiques et sociaux.

Jérôme Gleizes  • 17 avril 2014 abonné·es

Le remplacement sans changement de cap d’Ayrault par Valls laisse croire qu’aucune alternative n’est possible. Pourtant, il est urgent de faire une autre politique. Il faut simultanément desserrer la contrainte financière (non pas que la crise financière soit la crise mère, mais elle paralyse l’action politique) et résoudre la crise écologique, vraie crise mère du capitalisme. Il faut également supprimer les niches fiscales inutiles. Le Réseau action climat (RAC) et la Fondation Nicolas-Hulot les ont estimées à 22 milliards d’euros (avantages sur le kérosène, le diesel, les agrocarburants, les stations de ski, etc.) ^2, mais d’autres pistes sont possibles (niche Copé, défiscalisation des investissements dans les DOM-TOM). Il faut renforcer la lutte contre la fraude fiscale, évaluée entre 60 et 80 milliards d’euros [^3], combattre les paradis fiscaux, rétablir une meilleure progressivité de l’impôt sur le revenu avec le rétablissement des tranches supérieures supprimées en 2001 et 2006, et surtaxer les bénéfices non réinvestis.

Les cadeaux fiscaux ont gonflé les déficits et la dette de plus de 20 points, comme l’a montré le député UMP Gilles Carrez [^4]. Sans les baisses massives d’impôts depuis 2000, le budget de la France aurait été excédentaire entre 2006 et 2008. Les recettes non perçues ont ainsi augmenté la dette de l’État sans effet économique positif. Un audit de la dette de l’État permettrait d’en connaître les bénéficiaires puis de mettre en place un impôt exceptionnel sur le patrimoine des personnes physiques et des entreprises pour récupérer le manque à gagner, comme le préconise le FMI. Les réformes européennes sont toutes liées à la crise des dettes souveraines. L’existence de l’euro induit une coordination des politiques axée uniquement sur l’austérité. Avec peu de succès, comme le prouve la dépression dans des pays comme la Grèce (-30 %). Aussi, il est impératif que le budget européen augmente, grâce à un emprunt de 1 000 milliards d’euros, afin de réaliser les investissements nécessaires et de répondre aux crises écologique et sociale. Par ailleurs, il faut instaurer une taxe sur les transactions financières, une taxe qui, à l’évidence, inspire peu Bercy.

Le productivisme atteint aujourd’hui ses limites. La raréfaction des ressources non renouvelables, la baisse des rendements agricoles, en lien avec les changements climatiques et écosystémiques, bloque toute croissance. L’agriculture doit être réorientée vers une production résiliente et de qualité. La France, bien que premier exportateur européen, a une balance commerciale négative pour les produits bio. Il faut engager la transition énergétique en réorientant les dépenses improductives du nucléaire vers les renouvelables. Et conditionner le CICE à des critères écologiques et sociaux, affecter les fonds collectés du livret A exclusivement à la construction et à la rénovation thermique. Enfin, il faut financer un plan de soutien à la recherche et aux universités, actuellement en difficulté financière, en réorientant le crédit impôt recherche. Sortir de la crise, c’est surtout sortir de la crise politique, redonner confiance aux citoyen-ne-s dans la capacité du politique à agir pour l’intérêt général. 

[^2]: www.rac-f.org/stop-aux-subventions

[^3]: Rapport sur l’état de la lutte contre la fraude fiscale, Solidaires finances publiques.

[^4]: Rapport n° 2689 du 30 juin 2010, www.assemblee nationale.fr

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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