Daniel Mermet et France Inter : c’est fini !

La station bouleverse ses programmes de rentrée. Emission emblématique, « Là-bas si j’y suis » ne sera pas reconduite.

Jean-Claude Renard  • 28 juin 2014 abonné·es

La grille de rentrée de France Inter n’aura jamais été autant modifiée. Avec de bonnes surprises, des retours, mais aussi des départs qui risquent de faire grand bruit.
C’est déjà la matinale de France Inter qui connaît quelques changements. Léa Salamé, transfuge d’i-Télé, et déjà débauchée par Laurent Ruquier pour « On n’est pas couché », sur France 2, succède à Clara Dupont-Monod, pour l’interview de 7h50. Bonne pioche, ce sera assurément plus pêchu. Rebecca Manzoni prend la place d’André Manoukian pour la chronique musicale de 7h25, Charline Vanhoenacker celle de Frédéric Pommier pour une chronique musicale avant 8h. Autre bonne pioche sans doute, mais quid de Frédéric Pommier, jamais avare de pertinences et d’impertinences au micro.
A partir de 9 heures, c’est à Augustin Trapenard de succéder à Pascale Clark, pour une tranche culturelle de 30 minutes, articulée autour d’une grande interview, avant de passer le relais à une demi heure média, qui n’est pas encore attribuée. Trapenard, chroniqueur au « Grand Journal » de Canal +, est un « bébé » de Laurence Bloch, nouvelle directrice de France Inter donc, qui l’avait mis à l’antenne quand elle officiait en directrice-adjointe sur France Culture. De son côté, Pascale Clark tentera de se renouveler sur un autre « fuseau horaire » , le soir, de 21h à 23h.

Autre recrue de poids pour la station , l’arrivée de Nagui, pour une nouvelle émission de divertissement, de 11h à 12h30, en lieu et place « On va tous y passer », animée par Manoukian, qui avait remplacé au pied levé Frédéric Lopez. Si Nicolas Demorand revient, pour une émission à caractère international (18h-19h), c’est surtout le retour d’Hélène Jouan à l’antenne qui va marquer la station, en fin de journée, avec la reprise du « Téléphone sonne ». Placardisée par Philippe Val, la journaliste politique reconquiert une visibilité et une place méritée.

Qui dit arrivée et retour dit départ. Frédéric Lodéon (« Carrefour de l’Odéon ») s’en tire bien en basculant sur France Musique.

Ce n’est pas le cas de Daniel Mermet , dont l’émission « Là-bas si j’y suis », présente à l’antenne depuis 1989, ne sera pas reconduite. C’est ce qu’on appelle un coup de tonnerre radiophonique. Sur un magazine pure media, Laurence Bloch se justifie ainsi : « En vingt-cinq ans, « Là-bas si j’y suis » nous a fait vivre des moments forts, mais l’émission a perdu 100.000 auditeurs en deux ans donc on va l’arrêter… J’ai fait des propositions à Daniel Mermet. J’espère qu’il va rester parmi nous ! » L’animateur journaliste n’a pas vraiment le même regard sur cette éviction (que l’on pouvait craindre sous Philippe Val, mais l’émission, finalement, dans une certaine mesure, servait de caution). « C’est la stupéfaction générale, une décision non professionnelle » , observe Daniel Mermet. En coulisses, il était question de replacer « Là-bas si j’y suis » le week end. Pour l’heure, « il n’est plus question de l’émission, ni en semaine, ni au cours du week end ! On m’a fait une vague proposition, à l’horizon 2015, sur une émission de voyage. C’est très flou. Laurence Bloch argue des audiences. C’est un très gros mensonge. Quand nous avons été placés à cet horaire, en 2006, de 15h à 16h, au lieu de 17h-18h, l’audience était de 150 000 auditeurs par jour. J’ai les chiffres, je peux les produire. Au dernier sondage, l’audience était entre 480 000 et 500 000 auditeurs. C’est exactement l’inverse de leur discours. C’est une émission qui a beaucoup de succès » .

« L’autre mensonge , poursuit Daniel Mermet, porte sur la discrimination sur l’âge. On vire à la gérontophobie ! » Rendez-vous est-il pris pour négocier une autre émission, un remplacement ? « Tout cela est lointain, et encore flou » , répond Mermet. En attendant, il n’est pas prévu de pétition, comme en 2006, qui avait connu un franc succès, mais plutôt un meeting.

Au-delà de Daniel Mermet , « Là-bas si j’y suis », c’est aussi une équipe de cinq reporters. Quid de cette équipe ? Daniel Mermet répond qu’il avait envisagé, et dit à la direction (Laurence Bloch et Frédéric Schlesinger, directeur des antennes de Radio France), de « lui laisser peu à peu la ligne éditoriale de l’émission, pour se retirer progressivement. Ils ont de l’expérience, des ressources fabuleuses. On ne sait pas ce qui leur sera promis, ils seront reçus les uns après les autres. On n’en sait pas plus. On a le sentiment que la direction ne veut plus du tout de cette émission. Ils n’ont pas d’autre argument que mon âge et les audiences. Or, c’est une émission qui n’est pas neutre. La mort d’une émission de radio, et celle de la carrière d’un journaliste, c’est sans doute moins grave que les crises sociales qu’on évoque dans cette émission, mais ce dont on est sûr, c’est que ces crises sociales et les grandes espérances, ne seront plus racontées de la même façon. D’autre part, il faut savoir que nous sommes tous en CDD, à l’exception d’un réalisateur, ils peuvent donc tous nous mettre à la porte, du jour au lendemain. La direction joue sur la précarité des journalistes. Cette précarité qui mène à la docilité. Docilité et journalisme vont-ils ensemble ? ! Entre un reportage sur les enfants de Gaza et un autre sur les maillots de bains, on choisira les maillots de bains » .
Plus largement, c’est la question du pluralisme à l’antenne de France Inter qui se pose à travers la suppression de « Là-bas si j’y suis ».

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