L’innovation sociale, d’accord, mais laquelle ?

Des chercheurs analysent les différentes facettes de ce concept, entre social business et initiatives citoyennes.

Thierry Brun  • 12 juin 2014 abonné·es

Signe des temps, le gouvernement accorde une place de choix à l’innovation sociale dans son projet de loi sur l’économie sociale et solidaire actuellement en débat au Parlement. Le discours dominant est qu’un consensus apparaît autour de cette conception des politiques publiques construisant un nouveau modèle de société. De leur côté, trois équipes de recherche spécialisées dans cette thématique s’interrogent sur ce terme polysémique d’innovation sociale et mettent en évidence une vision très contrastée de l’engouement européen pour ce courant de pensée.

L’innovation en question se veut avant tout technique : il s’agit d’améliorer l’efficacité des systèmes productifs et de les rendre plus compétitifs et rentables. Se développent ainsi la responsabilité sociale de l’entreprise, la venture philanthropy, le social business, le new public management … Cela consiste à réaménager les politiques publiques en matière de santé, d’inégalités et d’environnement pour que celles-ci accompagnent les sacrifices à réaliser en période d’austérité budgétaire. Le discours politique met l’accent sur le partenariat avec les grandes entreprises privées, le management et la possibilité d’auto-réforme du capitalisme. L’idée est que l’innovation sociale est à rechercher du côté de la compétitivité et de l’efficacité, apanage de l’entreprise privée. Après la crise financière de 2008, cette conception de la big society, politique phare du programme des conservateurs britanniques en 2010, vise à un rapprochement de la société civile et des entreprises autour d’un secteur privé qui répondrait aux besoins sociaux. Derrière cette idée, se dessine l’opposition frontale à un système public défini comme étant par essence bureaucratique. On y remplace aussi progressivement l’expression « mouvements sociaux » par celle d’« innovation organisationnelle ».

Or, pour les auteurs, ce n’est là qu’une partie du paysage de l’innovation sociale. Ils montrent, au travers d’exemples, notamment en Belgique et au Québec, qu’une perspective de transformation sociale, démocratique et d’économie plurielle, se développe. Elle relégitime l’action publique à travers de nouvelles complémentarités entre les expressions citoyennes et l’action des pouvoirs publics. Le livre s’attache à souligner l’existence de cet autre registre de l’innovation sociale, loin d’une pacification des rapports sociaux. Très présente sur le terrain, cette innovation-là renvoie à des capacités d’initiatives citoyennes qui parfois connaissent le succès.

Idées
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