Réforme territoriale : Qui soutiendra les publics les plus fragiles ?

Une étude souligne les difficultés croissantes des départements à assumer leur principale compétence, l’action sociale, dont on ne sait à qui elle reviendra dans le futur schéma.

Olivier Doubre  • 26 juin 2014 abonné·es

Depuis l’annonce de la suppression, à l’horizon 2020, des départements, l’interrogation, l’inquiétude même, est grande quant à l’avenir de l’action sociale, compétence majeure de ceux-ci. On l’a maintes fois rappelé, la réforme du mille-feuille territorial pèche par la méthode et surtout par son seul objectif avancé, purement comptable : « Faire des économies. » Ce déficit d’ambition se double surtout d’une omission méthodologique et organisationnelle de taille : quelles compétences pour les futures 14 grandes régions et les intercommunalités devant rassembler au minimum 20 000 habitants ? Il apparaît en effet plus qu’étrange que l’on ait d’emblée décidé d’un nouveau découpage régional et de la disparition du département, une collectivité vieille de plus de deux siècles, sans s’interroger sur la future répartition des compétences au sein de l’organisation territoriale à venir.

Or, le département, depuis les lois de décentralisation de 1982, s’est vu confier principalement les compétences de l’action sociale, en matière d’exclusion (avec le RMI, aujourd’hui le RSA), la protection de l’enfance et le soutien aux personnes dépendantes et handicapées. Une mission qu’il a su très bien remplir, comme le souligne une récente étude de l’Observatoire national de l’action sociale (Odas) [^2]. En trente ans, les collectivités départementales ont multiplié par trois l’effort en direction de ces publics en difficulté, pourtant eux aussi en augmentation. Elles ont surtout construit des administrations ad hoc, qu’il prendra du temps de remplacer.

Mais l’annonce de leur suppression est d’autant plus inquiétante que les départements rencontrent des difficultés croissantes – en dépit de leur bilan favorable – puisque le RSA pèse de plus en plus sur leurs budgets, alors que l’État baisse de son côté ses transferts financiers en leur direction. Ce qui les oblige à diminuer déjà leurs dépenses, en particulier celles destinées à la prévention. Et fait donc dire à l’Odas que le gouvernement, par ces choix budgétaires, semble déjà anticiper la disparition des actions de prévention, refusant de jouer l’avenir pour se limiter à un bilan comptable. Une politique à courte vue, sans qu’on sache quelle collectivité territoriale se verra confier ces compétences sociales, au cœur de l’action des départements.

[^2]: cf. www.odas.net

Idées
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Caroline Chevé : « La situation en cette rentrée scolaire est très inquiétante »
Entretien 1 septembre 2025 abonné·es

Caroline Chevé : « La situation en cette rentrée scolaire est très inquiétante »

C’est l’un des nouveaux visages du monde syndical. La professeure de philosophie a pris la tête de la FSU, première fédération syndicale de l’enseignement, au début de l’année. C’est dans ce nouveau rôle qu’elle s’apprête à vivre une rentrée scolaire et sociale particulièrement agitée.
Par Pierre Jequier-Zalc
Violences sexuelles : et si le « oui » ne valait rien ?
Idées 28 août 2025 abonné·es

Violences sexuelles : et si le « oui » ne valait rien ?

L’inscription de la notion de consentement dans la définition pénale du viol a fait débat l’hiver dernier à la suite du vote d’une proposition de loi. Clara Serra, philosophe féministe espagnole, revient sur ce qu’elle considère comme un risque de recul pour les droits des femmes.
Par Salomé Dionisi
Insaf Rezagui : « La France pourrait être poursuivie pour complicité si elle continue de soutenir Israël »
Entretien 27 août 2025

Insaf Rezagui : « La France pourrait être poursuivie pour complicité si elle continue de soutenir Israël »

Alors que l’Assemblée générale de l’ONU se réunit en septembre et que le génocide perpétré par Israël à Gaza se poursuit, la docteure en droit international public Inzaf Rezagui rappelle la faiblesse des décisions juridiques des instances internationales, faute de mécanisme contraignant et en l’absence de volonté politique.
Par Pauline Migevant
Le ressentiment, passion triste et moteur des replis identitaires
Société 29 juillet 2025

Le ressentiment, passion triste et moteur des replis identitaires

Dans ce texte puissant et lucide, l’historien Roger Martelli analyse les racines profondes d’un mal-être né des blessures sociales et de l’impuissance à agir. À rebours des discours simplificateurs, il en retrace les usages politiques, notamment dans la montée des extrêmes droites, qui savent capter et détourner cette colère refoulée vers l’exclusion et la stigmatisation de l’autre.
Par Roger Martelli