Tout fait ventre aux dédiabolistes

Les réprobations de la Pen daughter lui sont autant d’occasions de se vernisser l’image de marque.

Sébastien Fontenelle  • 12 juin 2014 abonné·es

**J’ai d’abord ressenti* ,* après que Jean-Marie Le Pen, « président d’honneur » du Front national, venait encore de se laisser aller à ce que la presse et les médias appellent un « dérapage antisémite », de l’étonnement. Entendons-nous bien : ce n’est pas du tout cette nouvelle profération du Pen qui m’a étonné – je suppose que tu l’auras deviné. Elle ne m’a pas surpris du tout – ni toi non plus, j’en suis certain. Car, comme toi, je me suis de longue date rendu à l’idée que, si trop de coïncidences coïncident, le moment vient finalement où il est permis – et recommandé même, à mon humble avis – de ne plus les considérer, justement, comme des coïncidences. Mais comme autant de manifestations d’une réalité où le hasard n’entre aucunement. De sorte que, d’assez longue date, et pour ce qui serait de ce qui nous préoccupe ici, j’envisage de très près l’hypothèse que les itératives mais (ô combien) émétiques sorties du fondateur du FN puissent être tout à fait autre chose que des « dérapages »  : l’expression soigneusement calibrée, par exemple, d’un tenace préjugé.

En vérité, mon étonnement est plutôt venu de ce que les commentateurs de presse et de médias (LCDPEDM) qu’offusque sa nouvelle saillie – et qui tout soudain plissent par conséquent très fort du nez – sont les mêmes qui, depuis d’assez longues années, ont assuré, par une constante promotion de sa présidente – la Pen daughter  –, la maîtrise d’ouvrage de ce qu’il est convenu d’appeler [^2] « la dédiabolisation du Front national » … Sans jamais trop se formaliser de ce que, précisément, ce parti (dont la propagande islamophobe, relevons-le en passant, les heurte beaucoup moins) était toujours présidé, à titre honorifique, par le Pen father, dont ils savaient pourtant, depuis (au moins) la sinistre affaire du « point de détail », l’appétence pour les proclamations dégueulasses.

Puis je me suis rappelé que, depuis quelques années, la Pen daughter a pris le pli de se désolidariser (bon gré, mal gré) de ces saillies à répétition, et que la presse et les médias ne manquent jamais, dans ces cas-là, de donner un considérable écho à ses réprobations – qui, de fait, sont pour elle autant d’occasions de se vernisser l’image de marque d’un nouveau surcroît de respectabilité. Aussi ne suis-je, pour le coup, que très moyennement étonné de constater à l’instant (et par exemple) qu’après qu’elle vient encore une fois de proclamer qu’elle n’adhérait nullement à la dernière éructation de son reup, Ivan Rioufol, prédicateur chez le Figaro, qui ne hait point le Front national [^3], s’empresse [^4], avec d’autres, de battre des mains en criant que la Pen a « eu raison de se désolidariser du dérapage de trop » (sic). Car, décidément, tout – même les pires vilenies – fait profit aux dédiabolistes.

[^2]: Et j’entends bien, ici, que ni toi ni moi ne sommes tombés dans ce grossier piège sémantique, mais je dis comme ça pour aller vite : tu n’es pas sans savoir que l’espace m’est ici compté, à 3 000 touuut petits signes.

[^3]: Il a expliqué en décembre dernier, dans un mensuel réactionnaire dont je tairai ici le nom, qu’il n’excluait pas de « voter, pour la première fois, pour un candidat FN ».

[^4]: Sur son blog.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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