Comme lettre à La Poste

MM. Fillon et Valls psalmodieront bientôt que Vercingétorix était un supporteur de Milton Friedman.

Sébastien Fontenelle  • 3 juillet 2014 abonné·es

M. Valls, Premier ministre « socialiste », était l’autre jour en visite chez M. Castries, PDG du groupe AXA, qui vend des assurances et « dont il est proche », d’après le Figaro – qui sait un peu ce que sont ces proximités-là. Là, M. Valls, porté peut-être par un environnement propice à la libération de ses ardeurs poétiques, a déclamé cette bouleversante récitation : « Nous avons besoin d’entreprises, nous avons besoin d’entreprises de services et nous avons besoin de la finance. » Ce qu’oyant, M. Castries, toujours selon le Figaro, lui a offert, dans un surcroît d’émotion, « un fac-similé du contrat d’assurance vie de Jean Jaurès ». Ce que recevant, M. Valls a déclaré qu’il avait parfaitement compris que M. Castries entendait lui signifier par ce don qu’il fallait « sortir des dogmes » (où continue de s’embourber, nonobstant que le communisme a déjà fait dans le monde quarante-neuf milliards de victimes – sans compter les blessé[e]s –, toute une gauche archéo-stalinique).

Découvrant cela – cette poignante cérémonie –, je me suis remémoré que nous nous étions parlé ici, pas plus tard que la semaine dernière, de la remise du « Prix de l’appel du 18 Juin » à M. Sarkozy et de ce qu’elle disait, peut-être, de la montée dans l’époque d’une inclination à la subversion de notre mémoire collective par ceux-là mêmes qui devraient en principe la protéger contre trop d’atteintes. Et je me suis dit – car j’aime me raconter des trucs – que la captation de la mémoire de Jean Jaurès, qui était de gauche, par M. Valls, qui est tout à plein de droite, allait dans le sens d’une confirmation de cette hypothèse. Et, c’est pas pour me vanter, mais j’avais carrément raison [^2].

Puisqu’en effet, quelques heures plus tard, M. Valls, décidément décidé à ne pas se laisser entraver par le moindre excès de pudeur, déclarait que, pour ce qu’il en savait, M. Jaurès aurait – d’enthousiasme – signé le « pacte de responsabilité » par quoi lui-même – M. Valls, donc [^3] – s’apprête, d’une main, à nantir le patronat des mêmes 50 milliards d’euros qu’il veut, de l’autre [^4], ôter de la dépense publique. Puis, quelques (supplémentaires) heures plus tard, M. Fillon, de l’UMP (rires), a présenté le programme qui devrait selon lui le faire élire dans trois ans chef de l’État français, et qui, par la pureté de sa soumission aux lois des marchés, le situe sur l’échiquier politique (comme on dit dans la presse comme il faut) un peu à droite de feue Mme Thatcher [^5]. Puis, comme un journaliste s’étonnait qu’il ait – donc – renoncé aux postures qui lui permettaient naguère de se poser en « gaulliste social », M. Fillon a – posément – décrété que « de Gaulle était libéral ». Je pressens dès lors que MM. Fillon et Valls psalmodieront bientôt que Vercingétorix était un fervent supporteur des (iconoclastes) travaux de Milton Friedman – et pourquoi se gêneraient-ils, quand leurs divagations passent comme lettre à La Poste ? 

[^2]: Tu peux m’envoyer tes admiratives félicitations chez Politis, 2, impasse Delaunay, 75011 Paris, merci.

[^3]: Suis un peu, s’il te plaît (SUP, S’ITP).

[^4]: De l’autre main, donc : SUP, S’ITP.

[^5]: Et pas très, très loin, donc, maintenant que j’y réfléchis, de M. Valls.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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