Olivier Py : « Le festival d’Avignon doit avoir lieu »

Pour sa première édition, Olivier Py refuse les « sabotages » et veut poursuivre « l’engagement républicain » de Jean Vilar.

Gilles Costaz  • 3 juillet 2014 abonné·es
Olivier Py : « Le festival d’Avignon doit avoir lieu »
© Photo : AFP PHOTO / BERTRAND LANGLOIS

Difficiles débuts pour Olivier Py à la tête du Festival d’Avignon. Le mouvement des intermittents interviendra inévitablement dans le festival, et tous les scénarios sont possibles. L’artiste qu’est Olivier Py, le citoyen et le militant qu’il est également, sera confronté à une situation inédite. Personnage rieur et complexe, passionnément attaché à l’écriture poétique, Olivier Py est un écrivain hors-norme : il a déjà publié et mis en scène en scène de nombreuses pièces et travaillé à l’opéra. Il est aussi acteur et chanteur. Scénariste et romancier, il doit publier une fiction à la rentrée. Il a dirigé le Centre dramatique d’Orléans puis le théâtre national de l’Odéon. Il se définit comme chrétien. Sa mise en scène des Dialogues de Carmélites de Bernanos et Poulenc, au théâtre des Champs-Élysées, vient d’obtenir le prix du meilleur spectacle lyrique, décerné par le Syndicat de la critique.

Le mouvement des intermittents interviendra dans le déroulement de votre premier festival. Vous avez pris fait et cause pour eux, mais quelle sera votre attitude de directeur du festival ?

Olivier Py : Je voudrais que l’on ne décide pas à notre place. La CGT Spectacle et la Coordination sont des structures importantes, mais, au festival, les décisions appartiennent à chaque équipe et aux salariés. C’est à eux de décider et de parler. Il faut que le mouvement reste démocratique et passe par la parole. Le festival doit avoir lieu. Tuer le festival est inimaginable. Je n’ai pas envie que les artistes les plus précaires payent le prix du mouvement. Je ne veux pas de sabotages. Le Premier ministre a entrouvert la porte. Il faut s’y engouffrer. Je ne crois pas que ce soit le moment de tout faire capoter.

Votre première édition fait une place à l’histoire du festival. Vous revendiquez une continuité avec le fondateur, Jean Vilar ?

En faisant l’ouverture avec le Prince de Hombourg, de Heinrich von Kleist [joué par le Théâtre national populaire de Jean Vilar lors du Festival d’Avignon de 1951, NDLR], et avec Mai, Juin, Juillet, de Denis Guénoun, qui conte certains moments de l’histoire du théâtre subventionné, nous indiquons d’où nous venons et où nous devons aller. Le lien est affirmé, celui d’un engagement du monde du théâtre pour la démocratisation de la culture. Nous poursuivons l’idée essentielle de Jean Vilar, qui passe par un engagement républicain. Je relis constamment Vilar et je vois qu’il a eu cent idées qu’il n’a pas toutes appliquées et que nous pouvons reprendre. En fait, il y a eu deux dates charnières. D’abord 1947, la démocratisation des chefs-d’œuvre. Puis 1962, l’image du monde, tous les arts au service d’une image du monde. Ces idées-là, la démocratisation, le théâtre comme un service public, un service d’intérêt général – et non au profit de quelques nantis –, il est important de les perpétuer. Évidemment, le monde a changé. Au temps de Jean Vilar, il n’y avait pas l’explosion des banlieues, nos modes de communication, le FN et ses scores électoraux… Mais le festival change en restant fidèle à Vilar.

Votre premier programme est assez surprenant, avec beaucoup d’inconnus.

Je souhaite en effet qu’il y ait beaucoup de jeunes artistes, qu’on ne connaisse pas tous les noms. Quand je venais comme spectateur, je notais en priorité les noms qui m’étaient inconnus. Ainsi, sur 35 spectacles, il y en a 25 qui sont joués par des jeunes, et plus de la moitié des artistes ont moins de 35 ans. Par ailleurs, c’est un festival orienté vers l’Europe du Sud et le monde arabe. Pour moi, Avignon, c’est Grenade. Il y aura des artistes grecs. C’est héroïque de faire du théâtre en Grèce aujourd’hui. Il y aura les Italiens Giorgio Barberio Corsetti et Emma Dante, les Égyptiens autour d’Hassan El Geretly…

Il y a aussi du nouveau pour les spectateurs : le prix des places pour les jeunes, la part du théâtre jeune public…

Nous avons un peu modifié les conditions de tarification, baissé le prix des places dans la Cour d’honneur, établi un tarif jeune. Le public vieillit, il est urgent de le rajeunir. Il y avait déjà eu du théâtre jeune public à Avignon mais, cette année, nous lui attribuons un lieu : la Chapelle des pénitents blancs. Ce théâtre est un vecteur de démocratisation culturelle, et la question du théâtre populaire passe par là. Le théâtre pour les enfants est l’un des modèles du théâtre populaire.

Dans ce cadre, vous donnez votre adaptation du conte la Jeune Fille, le diable et le Moulin, mais surtout vous créez, pour le public adulte, Orlando ou l’Impatience, votre dernière pièce, à la Fabrica, le nouveau lieu du festival ouvert l’an dernier par vos prédécesseurs.

J’ai écrit très peu de comédies. Cette pièce parle du théâtre, c’est un spectacle programmatif. J’y raconte les théâtres que j’ai traversés. En fait, le spectacle est terminé depuis un mois ; nous retravaillerons au dernier moment. Cette Fabrica est un merveilleux outil qui résout les problèmes du directeur-artiste. En ce moment, Giorgio Barberio Corsetti y répète le Prince de Hombourg dans les dimensions mêmes de la Cour d’honneur. Et ce lieu nous permet de mener des actions avec l’Éducation nationale, notamment avec le collège Anselme-Mathieu.

Ces dernières années, il y avait peu de relations entre le In et le Off. Qu’en est-il avec vous ?

J’aime le Off. J’y ai chanté Miss Knife l’an dernier, c’était une décision très symbolique. Dans le programme, nous recommandons vingt spectacles du Off. Nous devons marcher la main dans la main. J’ai d’ailleurs prévu d’aller voir un certain nombre de spectacles dans le Off…

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Intermittents : La bataille d'Avignon
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