Professions réglementées : une réforme de gauche, vraiment ?

Montebourg s’attaque aux professions réglementées… au nom de la concurrence.

Thierry Brun  • 24 juillet 2014 abonné·es
Professions réglementées : une réforme de gauche, vraiment ?
© Photo : AFP PHOTO / ERIC PIERMONT

En visant trente-sept professions réglementées, Arnaud Montebourg a déterré un vieux cheval de bataille. L’intention de son projet de réforme ? Faire baisser les prix des services fournis par les avocats, notaires, huissiers de justice, ambulanciers, médecins, pharmaciens, commissaires aux comptes, administrateurs judiciaires, sages-femmes, taxis, experts, etc. de 20 %. Dans son « Discours pour le redressement de l’économie », le ministre a présenté cette réforme comme une façon de lutter « contre la rente et le monopole » et de redonner du pouvoir d’achat aux Français. Pour justifier son projet, il s’appuie sur un rapport de l’Inspection générale des finances sur les professions réglementées, commandé en 2012 par Pierre Moscovici, alors à la tête de Bercy. Le rapport, non publié, montre que certaines de ces professions bénéficient de rentes de situation et met en cause des réglementations jugées excessives. Plusieurs rapports parlementaires, ainsi que le très libéral rapport Attali de 2008, avaient d’ailleurs déjà fait ce constat dans le passé.

Enfin une mesure de gauche, direz-vous ? Pas vraiment, si l’on en juge par les véritables raisons qui président à cette décision. Dès 2005, les réglementations européennes ont ouvert à la concurrence une grande partie de ces professions réglementées, notamment grâce à la transposition de la directive sur les qualifications et, surtout, de celle concernant la libéralisation des services, dite Bolkestein. En France, dès 2011, un guichet destiné aux entreprises européennes a d’ailleurs été créé en application de cette directive services ^2, avec la liste des professions réglementées, fort nombreuses, ouvertes à la concurrence.

Ainsi, sans le dire, le gouvernement répond surtout à l’ambition de Bruxelles de créer de futurs champions européens, prestataires de services à la rentabilité attractive pour les marchés financiers. Rappelée à l’ordre à plusieurs reprises par la Commission européenne, la France ne fait que suivre des recommandations très éloignées d’une réforme de gauche, laquelle aurait plutôt à cœur de généraliser l’accès à des services publics. Bruxelles a ainsi lancé, fin 2013, une procédure d’évaluation des « obstacles » à l’accès au marché des professions réglementées, avec l’objectif de « déterminer les domaines dans lesquels les États membres entravent » la création de « filiales ou de cabinets pluridisciplinaires » privés. Une bonne occasion de s’attaquer à des bastions protégés sous Sarkozy et d’apparaître comme le bon élève de l’Union européenne.

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