Rock : Obscurité processionnelle
Ce jeune groupe danois sort un premier album aussi foudroyant qu’apocalyptique. Une réussite.
dans l’hebdo N° 1311 Acheter ce numéro
Ils sont trois, viennent du Danemark et ont choisi un nom de guerre : Get Your Gun (Prends ton fusil). Ce ne sont pas pour autant des gens pressés. Formé en 2008, le groupe sort seulement son premier album, avec juste sept morceaux. Sept compositions relativement longues et, surtout, d’une incroyable densité quand ce n’est pas d’une réelle brutalité. Mais on imagine aisément qu’on ne choisit pas de s’appeler Get Your Gun pour venir conter des bluettes. S’ils ne sont pas pressés, ils se montrent en revanche farouchement déterminés. Sûrs de leurs desseins, comme en témoigne ce premier essai, exempt de toute faiblesse ou de fausse note, du moindre temps mort ni d’une seule séquence banale.
Dès l’ouverture, aux accords tranchants, l’atmosphère est tendue à l’extrême, le rythme lourd et rampant. Chaque morceau avance de manière inexorable dans une obscurité processionnelle. Une impression renforcée par une voix habitée d’un regard halluciné d’avoir essayé en vain de percer les ténèbres, et confrontée à des chœurs aux inquiétantes mélopées. Puis éclatent les orages électriques lancés par une guitare fougueuse qui parfois échappe à tout contrôle. Comme brusquement devenue l’instrument d’une colère divine. Tout se transforme en vacarme, en une vision d’apocalypse. Il y a du mystère dans tout cela, au sens moyenâgeux du terme. Un sens du sacré aussi.
Pour réduite qu’elle soit, l’instrumentation n’en est pas moins monumentale. Une basse à l’obésité monstrueuse, sourde, plombée, menaçante comme une bête sauvage, une batterie aux coups de boutoir obsédants et une guitare qui déverse de fantastiques coulées de métal fondu. Et un chanteur en maître de cette cérémonie secrète, exorciste en chef, grand ordonnanceur du chaos, dompteur des forces souterraines, pour mettre des mots sur ces visions. Des mots qui disent la peur, le désespoir, la rage, la malédiction et cette fatalité d’une humanité condamnée à « toujours construire et détruire ». Avec ce premier disque parfait, Get Your Gun impressionne par sa radicalité, sa noirceur et sa capacité à donner une forme aussi aboutie à la matière brute qu’il utilise comme matériau de base. Et son refus de toute échappatoire ou rédemption.