Selon que vous serez Amina ou Rabia…

Deux faits divers de même nature peuvent donner lieu à des commentaires radicalement différents.

Sébastien Fontenelle  • 17 juillet 2014 abonné·es

Je ne sais pas toi, mais moi je trouve toujours un peu étonnant de constater que deux faits divers de même nature, et tous les deux odieux, peuvent donner lieu à des commentaires radicalement différents – formulés pourtant par une seule et même personne. En mai 2013, rappelons-nous : une lycéenne de 18 ans, Rabia B., rapporte qu’elle a été attaquée dans une rue d’Argenteuil (Val-d’Oise) par deux hommes qui lui ont, dit-elle, arraché son foulard et porté des coups en la traitant de « sale musulmane ». Quelques jours plus tard, le 11 juin : une autre jeune femme rapporte avoir, dans la même ville, subi le même sort. Le 25 juin : l’éditocrate Caroline Fourest réagit, sur France Culture, à ces deux agressions [^2].

Elle explique notamment  que Rabia B. « n’a pas déposé plainte tout de suite » après avoir été molestée. Elle ajoute : « Il a fallu attendre que son père, en voyage à l’étranger, revienne, accompagné de militants  […] bien décidés à médiatiser l’agression, notamment sur  [un] site communautariste où le père, pourtant absent au moment des faits, passe son temps à couper la parole à sa fille pour donner sa version. » Puis elle ajoute que « c’est une version qui n’a pas arrêté de changer », et « dont la police, d’ailleurs, doute » – puisqu’ « elle n’exclut pas un règlement de comptes familial, une opération punitive destinée à faire payer à la jeune femme son style de vie, jugé trop libre, ce qui changerait évidemment tout ». Elle conclut : « Si ces agressions sont avérées et non bidonnées,  […] ce n’est pas en tant que féministes qu’elles doivent nous révolter, mais en tant qu’antiracistes, attachées à la dignité, refusant l’incitation à la haine d’où qu’elle vienne et quelles que soient ses cibles. » 

Un an après, en juin 2014, une lycéenne de 19 ans, Amina S., ex-militante des Femen, rapporte qu’elle a été attaquée sur une place parisienne par cinq hommes qui lui ont rasé les sourcils et lacéré le crâne à coups de rasoir en la traitant de « sale pute » – et qui, précise-t-elle, prétendaient agir « au nom du Coran ». Immédiatement, Caroline Fourest réagit sur Twitter à cette nouvelle agression. En diffusant, d’abord, un article du Nouvel Observateur qui relate les faits, tels que la victime les a elle-même exposés sur sa page Facebook. Puis en promettant : « Les petits tyrans misogynes qui ont attaqué Amina en plein Paris ne l’emporteront pas au paradis. »

Adoncques : lorsqu’une jeune lycéenne dit avoir enduré une agression islamophobe, Caroline Fourest émet quelques doutes quant à la véracité de son récit. Elle veut savoir s’il est avéré. S’il n’est pas bidonné. Mais lorsqu’une jeune lycéenne dit avoir été agressée par des musulmans, Caroline Fourest, tout d’un coup moins précautionneuse, ne doute pas un instant de la véracité de son récit. Et ça doit vouloir dire quelque chose. Mais quoi ?

[^2]: Une plainte pour diffamation a été déposée après la diffusion de cette chronique de Caroline Fourest : l’affaire n’a pas encore été jugée.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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