Une politique à marche forcée vers l’austérité

Le choix de François Hollande est de maintenir fermement avec Manuel Valls des politiques économiques dénoncées par une grande partie de la gauche.

Thierry Brun  • 28 août 2014 abonné·es
Une politique à marche forcée vers l’austérité
© Photo : Artur Widak / NurPhoto

Le couple Hollande-Valls a donc étouffé dans l’œuf les velléités de changement de cap de la politique économique au sein du gouvernement. Le pouvoir sera désormais entre les mains d’une « équipe en cohérence avec les orientations [que François Hollande] a lui-même définies pour notre pays », a décidé la présidence de la République après la démission du gouvernement et le départ de Bercy du fauteur de trouble Arnaud Montebourg. L’ex-ministre de l’Économie n’a pourtant fait que réaffirmer une analyse revendiquée depuis plusieurs mois par les socialistes frondeurs, EELV et le Front de gauche. « Non seulement ces politiques d’austérité ne marchent pas, mais, en plus d’être inefficaces, elles sont injustes. Elles aboutissent à la non-réduction des déficits », affirme Liêm Hoang-Ngoc. Ancien député européen socialiste, fondateur du Club des socialistes affligés, l’économiste estime que « la ligne sociale-libérale est un problème à gauche et au Parti socialiste. En confortant Valls, le choix retenu par Hollande est de pérenniser sa politique économique jusqu’en 2017. Or, la même politique économique est appliquée dans les pays de la zone euro et mène au bord de la déflation. Une nouvelle récession est en train de menacer ». Une analyse partagée depuis plusieurs années par de nombreux économistes.

Dès la mi-août, le ministre des Finances, Michel Sapin, a dû réviser en catastrophe à la baisse la croissance du PIB. Elle sera « de l’ordre de 0,5 % » en 2014, contre 1 % prévu auparavant. L’autre mauvaise nouvelle est que le déficit public sera supérieur à 4 % du PIB cette année. Ce qui compromet l’objectif d’un retour à 3 % en 2015, fixé dans le programme de stabilité transmis à la Commission européenne, et envoie aux oubliettes une série d’engagements sociaux et économiques de François Hollande. « Cette dégradation flagrante de la situation atteste, une fois de plus, de la nocivité du pacte de responsabilité  […] et de la politique d’austérité », a réagi la CGT, confortée par d’autres syndicats. Le chef de l’État a lui-même admis [^2] que « le rythme de la consolidation budgétaire en Europe doit être adapté à la situation exceptionnelle que nous traversons » et que les « causes » sont liées « à la poursuite de politiques d’austérité en Europe », sans pour autant en tirer les conclusions.

Envers et contre tous, François Hollande et Manuel Valls maintiennent le cap d’une politique économique qui prévoit, en pleine crise, 41 milliards d’euros d’allégement de charges aux entreprises avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et 50 milliards d’euros d’économies budgétaires en trois ans. Les syndicats opposés au pacte de responsabilité dénoncent un « effet d’aubaine », les entreprises utilisant les fonds reçus à des projets d’embauche ou d’investissement déjà prévus, à l’exemple du secteur bancaire. Une récente analyse économique leur a donné raison : avec des versements en hausse de 30,3 % sur un an, à hauteur de 31 milliards d’euros selon une étude publiée le 18 août par un fonds d’investissement britannique [^3], les grandes entreprises françaises ont décroché le record mondial de la rémunération des actionnaires au deuxième trimestre. À gauche, les critiques se sont déchaînées, car ce résultat coïncide avec le versement de la première tranche du CICE, pour un montant de 7 milliards d’euros, dans un contexte où la plupart des indicateurs économiques sont en berne.

« On ne changera pas de politique », a cependant prévenu Manuel Valls, soutenu par le Medef. « Je crois que le cap politique qu’a choisi François Hollande est le bon, et nous, on pense qu’il faut aller plus vite et plus fort », a commenté de son côté Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président délégué du Medef. À la suite de la démission du gouvernement, un communiqué de l’organisation patronale, publié lundi, rappelle au « nouveau gouvernement Valls » qu’une « politique résolue visant à rétablir la compétitivité des entreprises est indispensable et la seule possible ». Pour Liêm Hoang-Ngoc, « le problème est de permettre aux États de disposer de la politique budgétaire nécessaire pour relancer l’activité économique. Or, cette politique conduite dans les pays de la zone euro consiste à comprimer les dépenses publiques et sociales pour pouvoir baisser les impôts des entreprises. C’est une politique de l’offre qui est responsable de la récession parce que nous avons un problème de demande ». C’est pourtant la voie choisie par François Hollande.

[^2]: Dans le Monde du 20 août.

[^3]: Henderson Global Investors.

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