Honte à nous

Des libertés seront supprimées, mais tu préfères te prendre des bombes dans la gueule ?

Sébastien Fontenelle  • 18 septembre 2014 abonné·es

Ce week-end – dans la nuit de samedi à dimanche –, la discothèque d’un club de vacances de Corse-du-Sud a été quelque peu soufflée par une explosion (comme on dit quand on est un vrai journaleux avec plein d’images fortes dans sa besace) qui n’était pas (du tout) accidentelle – genre Toto est ballot, il a encore oublié de couper le gaz avant d’envoyer dans le dancefloor un bon vieux « Daddy Cool » des familles –, mais (complètement) « d’origine criminelle » (comme on dit quand on est un vrai keuf de Corse-du-Sud) : il s’agissait donc d’un attentat, comme les insulaires de ces contrées continuent semble-t-il d’en produire (nonobstant que leur FLNC a officiellement renoncé à ces pratiques vers le mois de juin dernier) avec une émérite constance.

Question : maintenant que tu y réfléchis, est-ce que tu as entendu parler de cet attentat dans la presse et aux radios (et télévisions) ? Réponse : guère. Mais, par contre : t’as – forcément – beaucoup entendu parler de « terrorisme ». T’as forcément entendu, par exemple, Bernard Cazeneuve, ministre « socialiste » de l’Intérieur, te raconter que la « menace terroriste » culminait, depuis quelque temps (et notamment depuis que François Hollande rase les mottes dans les sondages qui mesurent sa popularité), vers des niveaux d’alerte jamais atteints – et te suggérer, plus précisément, que des centaines de milliards de jihadistes des banlieues (Seine-Saint-Denis, France) sont en train, pendant qu’on se parle, de fomenter de nous souffler à grands coups de bombes les discothèques nationales.

Et certes : le brave homme éprouve quelquefois de la difficulté à documenter son propos de façon véritablement convaincante. Quand un(e) journaliste, pris(e) d’audace, lui demande par exemple s’il dispose d’éléments précis pour affirmer que des attentats seraient selon son avis en préparation, il répond qu’oui, bien sûr, et qu’il est, en particulier, tout à fait certain que des attentats sont en préparation – c’est pas une preuve, ça ? (T’as besoin de beaucoup plus pour commencer à flipper ?) Mais personne – ou presque – ne lui fait l’injure de lui signifier qu’il donne quand même assez fort l’impression de se foutre de la gueule du monde : tout le monde – ou presque – accepte, dirait-on, qu’il excite dans ses clientèles des peurs dégueulasses, souchées dans la xénophobie de l’époque, où la « menace », présentée comme diffuse mais permanente, est forcément arabo-musulmane – et justifie que des mesures législatives (et policières) d’exception soient prises, où des libertés individuelles (et collectives, tout aussi bien) seront supprimées, mais faut ce qu’y faut, s’pas, et franchement : tu préfères te prendre des bombes dans la gueule ?

Ça porte un nom : c’est du « georgewbushisme », avec ses sinistres lois d’exception. Quand ça se passait après 2001 de l’autre côté de l’Atlantique : ça nous faisait vomir. Nous moquions les Yankees qui se laissaient infliger tant de scélératesse(s). Là, ça se passe chez nous – et nous fermons nos gueules. Honte à nous.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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