L’hypothèque Hollande

Cette politique ne produit ni croissance ni réduction du déficit.

Jérôme Gleizes  • 18 septembre 2014 abonné·es

Aujourd’hui, nous sommes bien obligés de dire que la politique économique entamée depuis l’élection de François Hollande peut se résumer à la définition du mot « hypothèque », car elle nous engage dans « une obligation susceptible de compromettre l’accomplissement » de notre avenir. Cette politique laisse la porte ouverte au FN et à un duel de second tour à l’élection présidentielle de 2017 sans candidat de gauche. Après la politique désastreuse de Nicolas Sarkozy, elle hypothèque notre avenir économique et écologique. Rappelons ici que les cadeaux fiscaux ont eu pour conséquence une perte, évaluée entre 101,2 et 119,3 milliards d’euros de recettes fiscales de 2000 à 2009, selon le rapport de la commission des finances présidée par le député UMP Gilles Carrez.

**Pour le gouvernement* ,* le bouc émissaire est le contexte mondial, forcément défavorable. Agir sur la politique de l’Union européenne et de la Banque centrale européenne (BCE) consisterait donc à nommer Pierre Moscovici à la Commission européenne ! Or, la politique monétaire de la zone euro illustre le concept keynésien de « trappe à liquidités » : le niveau des taux d’intérêt est tellement faible que les spéculateurs, anticipant une hausse, attendent pour financer l’économie. Les banques, elles, se refinancent à bas coût auprès de la BCE et restaurent ainsi leurs marges bénéficiaires en maintenant des taux d’intérêt élevés pour les prêts aux ménages et aux entreprises ! Le gouvernement français porte une lourde responsabilité dans ces choix. En effet, il prétend mener une politique budgétaire à la fois keynésienne (si l’on suppose qu’elle existe) et de lutte contre les déficits. Or, cette politique ne produit ni croissance ni réduction du déficit budgétaire. De fait, elle n’interrompt pas la hausse de la dette publique. En réalité, au-delà de la critique libérale d’une insuffisante réduction des dépenses publiques, elle hypothèque tant notre cohésion sociale que notre avenir industriel.

Dans une situation de croissance ** structurellement faible, l’actuelle politique fiscale accroît les inégalités en transférant une partie des revenus des classes les plus pauvres vers les plus riches [^2]. Ce transfert est amplifié par le dispositif du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui, aux dires du ministre de l’Économie, Michel Sapin, ne réduit pas le chômage et donc n’entraîne pas d’activité supplémentaire. Bien au contraire. Le CICE favorise les entreprises salariant une main-d’œuvre peu qualifiée et sous-payée (La Poste, Auchan, McDo, etc.) et crée de plus un effet d’aubaine, car il gonfle les bénéfices et les dividendes. Pire, les 20 milliards d’euros du CICE, en ne ciblant pas l’investissement, aggravent le déficit public sans créer de nouvelles richesses susceptibles de relancer l’économie. Surtout, ils ne permettent pas la transition écologique, la sortie du nucléaire et la préservation de la biodiversité. Ils ne génèrent pas les recettes attendues ! Donner la confiance à une telle politique, c’est s’assurer de décrédibiliser toute alternative politique à gauche pour de longues années. Ce sentiment de fatalité est en réalité une défaite de l’action et de la pensée politiques.

[^2]: Voir les travaux de Thomas Piketty : http://piketty.pse.ens.fr/fr/

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

Temps de lecture : 3 minutes