Un naturaliste à la chasse aux chasseurs

Marc Giraud livre un guide à destination des promeneurs qui souhaitent éviter les balles.

Claude-Marie Vadrot  • 11 septembre 2014 abonné·es

L’auteur est naturaliste, journaliste et écrivain spécialisé en zoologie. Depuis des années, il détaille avec une gourmandise parfois étonnante les mœurs les plus surprenantes des espèces qu’il rencontre. Mais si Marc Giraud, vagabond impénitent des espaces naturels, professe une admiration sans bornes pour tout ce qui vit, une espèce lui pose problème : le chasseur. Il ne le dit pas ouvertement, mais tout son livre, Comment se promener dans les bois… sans se faire tirer dessus, vise à enrayer la prolifération de cette espèce. Laquelle compte un peu plus d’un million de représentants lâchés les 7 et 14 septembre dans la plupart des départements de France.

Empruntant la forme du guide pratique, l’auteur passe minutieusement en revue les mœurs de ces prédateurs – 98 % d’hommes – qui peuvent manier légalement le fusil à partir de 16 ans et accompagner, arme à la main, des chasseurs adultes à partir de 15 ans. Ayant étudié soigneusement les (mauvaises) habitudes de ces nemrods  [habiles chasseurs, NDLR] depuis des années, l’auteur nous rappelle que les maires ont plus de pouvoirs pour réglementer les divagations des chats, des chiens ou des SDF que pour contrôler celles des chasseurs. Même si ces derniers sont fortement alcoolisés, puisque le délit de « chasse en état d’ivresse » n’existe pas. Et, en vertu d’un moyenâgeux « droit de suite », les chasseurs disposent du droit de poursuivre un gibier jusque dans un jardin… Y compris dans la pénombre, puisque la nuit, pour un chasseur, ne démarre légalement qu’une heure après le coucher du soleil et s’achève une heure avant son lever… Dans cet essai, le lecteur découvre aussi que les cueilleurs de champignons et autres amateurs de fraîches virées automnales en forêt peuvent être poursuivis pour « entrave à une action de chasse » s’ils manifestent bruyamment leur mécontentement devant l’abondance des coups de feu. À la clé, une amende de 1 500 euros pour toute tentative d’effaroucher le gibier – ou le chasseur. De quoi dissuader les deux millions de cavaliers et les douze millions de marcheurs recherchant le calme dans la nature. Il est aussi nécessaire de rappeler que les rares pancartes « chasse en cours », parfois disposées au bord des champs d’une forêt, sont parfaitement illégales.

Ce livre sur cette étrange législation régissant la chasse en France (rédigé avec des juristes de l’Association pour la protection des animaux sauvages) est à la fois exhaustif et convaincant. Même si les accidents de chasse ne provoquent qu’une vingtaine de morts par an (essentiellement d’autres chasseurs). Même si, non chassés, les animaux sauvages devenant trop nombreux occuperaient trop de forêts et de cultures. Il n’empêche, le tir de Marc Giraud est plutôt bien ajusté…

Idées
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