« Bande de filles », de Céline Sciamma : Joyeuse bande

Céline Sciamma célèbre la jeunesse et la vitalité d’un groupe d’adolescentes noires.

Christophe Kantcheff  • 22 octobre 2014 abonné·es
« Bande de filles », de Céline Sciamma : Joyeuse bande
© **Bande de filles** , Céline Sciamma, 1 h 52. Photo : DR

Bande de filles ne laisse pas de doute sur sa motivation initiale : filmer des jeunes filles noires. Un projet qui pourrait paraître mince s’il n’était pas exceptionnel. On a beau chercher dans ses souvenirs : quel film français a déjà donné la vedette à un groupe de jeunes Noires ? Céline Sciamma, qui n’est pas insensible à la représentation des minorités au cinéma ( cf.   Tomboy, son précédent film), a donc eu d’abord le désir de filmer ses actrices non professionnelles – Karidja Touré, Assa Sylla, Lindsay Karamoh, Marietou Touré, sélectionnées au terme d’un casting « sauvage » de quatre mois dans Paris et en banlieue. Elles interprètent des adolescentes de 16 ans habitant une cité et en délicatesse avec l’école.

Jolies, délurées, solidaires et en fin de compte assez fragiles, Vic, Lady, Adiatou et Fily – des surnoms qu’elles se sont choisis – aiment à faire des virées à Paris. Ce qu’elles préfèrent : se retrouver dans une chambre d’hôtel de standing, où elles se sentent paradoxalement libres. Céline Sciamma a placé tôt dans son film une de ces scènes, sans enjeu narratif, mais qui lui permet de les montrer entièrement libérées, chantant et dansant sur un tube de Rihanna. Les filles exultent, pleines de vitalité. C’est une manière de saisir d’emblée leur capacité à être joyeuses, et ainsi d’écarter l’hypothèse misérabiliste. Car la vie, par ailleurs, n’est pas si facile. Celle de Vic, notamment, que la cinéaste a choisie comme personnage central. Marieme, de son vrai prénom. On suit son parcours à partir du moment où elle cherche à se faire accepter par la bande, dont Lady est la meneuse, jusqu’à ce qu’elle se retrouve en situation de rupture.

Entre-temps, Vic, qui est amoureuse d’un garçon, a accepté de faire l’amour avec lui. La chose est arrivée aux oreilles de son grand frère, qui, en conséquence, la terrorise. La gente masculine est sévèrement considérée dans Bande de filles. Les pères, les frères, les garçons, sans parler d’un chef de petits truands, exercent tous leur pouvoir dominateur sur les filles. Quant à l’amoureux de Vic, réellement tendre, il ne saura la comprendre totalement. Cette vision uniforme des hommes est la principale faiblesse du film. Mais apparaît dès lors ce que représente la bande pour les filles, même provisoirement : une protection, une bulle de confiance et d’affection, la possibilité de vivre pleinement sa jeunesse. Bref, un moment de bonheur.

Cinéma
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