Medef : L’arme du paritarisme

L’extension des organismes paritaires à la fin des années 1960 a permis au Medef de faire main basse sur la protection sociale.

Thierry Brun  • 23 octobre 2014 abonné·es
Medef : L’arme du paritarisme
© Photo : AFP PHOTO / POOL / KENZO TRIBOUILLARD

La récente négociation de la convention d’assurance chômage est symptomatique de la mainmise du Medef sur l’Unedic. Dès le mois de février, le Medef dévoilait ses propositions potentiellement explosives. Elles devaient être négociées au sein du conseil d’administration de l’Unedic, comprenant un nombre égal de représentants des employeurs et des salariés. Or, le Medef en assure actuellement la vice-présidence et tient les commandes par un jeu de chaises musicales avec la CFDT. Jean-François Pilliard, vice-président du Medef et délégué général de la très influente Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), passé par les ressources humaines de grands groupes industriels, a donc pu veiller à ce que cet accord national interprofessionnel soit discuté en coulisses avec quelques-uns des futurs syndicats signataires(voir p. 15).

Autre exemple : afin de réduire le déficit des deux fédérations Agirc et Arrco, les régimes de retraite complémentaire des cadres et des salariés du privé, le Medef a posé ses conditions dans un texte d’accord paritaire national et obtenu, en 2013, une moindre revalorisation des pensions sur trois ans. Aux côtés de syndicats divisés : des patrons de grands groupes d’assurances privés, mutualistes, de prévoyance et de protection sociale, qui ont tous des filiales privées proposant des produits d’épargne retraite par capitalisation. À la tête de l’Arrco, Didier Weckner, un des patrons d’Axa et de l’influente Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), troisième fédération du Medef, qui conforte sa présence dans les instances paritaires de la retraite complémentaire. Certains de ces dirigeants d’entreprise sont aussi présents dans les conseils d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), qui gère la retraite du régime général de la Sécurité sociale, ainsi que dans la gestion de l’assurance et de la complémentaire santé. Nombre d’entre eux sont aux postes clés de ces organismes paritaires.

Dans l’assurance maladie, l’assurance chômage, les régimes de retraites complémentaires, les institutions de prévoyance, se retrouvent donc, sous l’étiquette du Medef, des groupes dont les intérêts consistent à défendre la privatisation de la protection sociale solidaire. Le patronat français, qui a toujours contesté l’ingérence de l’État dans les relations entre les employeurs et les salariés, a progressivement pris en main les organismes paritaires de la protection sociale, sans craindre les conflits d’intérêts. Cette volonté patronale de promouvoir un modèle de protection sociale paritaire remonte à un plan du CNPF, l’ancêtre du Medef, publié dès 1965. Conforté en 1967 par la réforme Jeanneney, qui instaure la séparation des risques en trois branches – maladie, famille et vieillesse –, et une nouvelle composition des conseils d’administration de ces instances : 50 % de représentants du patronat et 50 % de représentants des confédérations syndicales. Fragilisant ainsi le rapport de force syndicats-patronat.

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Comment le Medef dirige la France
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