Moduler les allocations familiales mécontente la droite et la gauche

Michel Soudais  • 17 octobre 2014 abonné·es
Moduler les allocations familiales mécontente la droite et la gauche
© Photo: AFP PHOTO / PHILIPPE HUGUEN

A compter du 1er juillet 2015 , les allocations familiales seront modulées selon le revenu. Les députés du groupe socialiste et leur président Bruno Le Roux, qui réclamaient cette modulation, ont eu gain de cause auprès du gouvernement. Ce dont s’est bruyamment félicité Manuel Valls. La ministre des Affaires sociales Marisol Touraine a confirmé que le groupe PS à l’Assemblée allait déposer « en accord avec le gouvernement » un amendement au projet de budget 2015 de la Sécurité sociale , examiné la semaine prochaine dans l’hémicycle.

Les allocations de base seront divisées par deux à partir de 6 000 euros de revenus pour le foyer, et par quatre à partir de 8 000 euros, a précisé Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la partie famille du budget de la Sécurité sociale. En échange, la prime à la naissance, déjà sous conditions de ressources, ne sera pas divisée à partir du 2e enfant, et la majoration des allocations à 14 ans sera maintenue, a-t-elle indiqué. Cette modulation doit permettre de réaliser 800 millions d’euros d’économies en année pleine, et 400 millions d’euros dès 2015. La branche famille de la Sécu doit réaliser un total de 700 millions d’euros d’économies l’an prochain, un niveau qui est maintenu.
En revanche, le projet de réforme du congé parental est maintenu afin qu’il soit « mieux partagé entre les deux parents » , a précisé Marisol Touraine. A partir du deuxième enfant, sa durée sera de deux ans pour le parent qui arrête de travailler (généralement la mère) et d’un an pour l’autre parent.

Cette modulation, à peine annoncée , se heurte à l’opposition des associations familiales. L’Union nationale des associations familiales (UNAF) la juge « impensable » et « impossible ». Son président, François Fondard a rappelé qu’ « il y a moins d’un an les engagements du président de la République étaient pourtant clairs »  : « Chaque famille doit avoir les mêmes droits pour les  allocations familiales » , avait dit François Hollande.

L’opposition ne sera pas moins forte à l’Assemblée nationale. Pour l’UMP, les mesures dans le budget concernant la famille constituent un « massacre » . Christian Jacob le dit dans un entretien au Figaro . Mais la droite n’est pas seule à s’insurger. Mercredi, les députés représentant cinq des six groupes politiques de l’Assemblée se sont opposés en commission à la baisse de prestations familiales prévu dans le projet de budget. Et rien ne dit qu’il se satisferont du remplacement de ces baisses par une modulation des allocations familiales…Quand, dans Politis , la 1ere vice-présidente de l’Assemblée nationale, la socialiste Laurence Dumont y est favorable, la communiste Marie-George Buffet y est farouchement hostile.

Lire > Moduler les allocations familiales ?

Ce clivage exposé dans Politis cette semaine, semble également traverser les rangs des députés PS.

L es socialistes frondeurs récusent l’idée que la modulation des allocations familiales serait une « victoire politique » . Cette annonce « pourra apparaître louable à celles et ceux qui ressentaient les injustices fortes que contenait le projet de réduire les prestations pour les familles » , écrivent deux d’entre eux, Christian Paul et Fanélie Carrey-Conte, dans un billet publié sur leurs blogs respectifs (lire ici et ) et approuvé par Pouria Amirshahi. « Cette recherche de la solution la moins injuste, qui, il est vrai, permet de ne pas toucher à la prime de naissance ou à la majoration à 14 ans, sera même présentée comme une avancée » , poursuivent-ils alors qu’il ne s’agit que d’un faux-semblant :
« Pouvons-nous convertir en victoire politique une décision qui vient après deux semaines qui ont installé sans retour dans le pays l’idée que les prestations familiales allaient baisser? Peut-on oublier que cette ‘victoire’ vise essentiellement à effacer une faute, l’augmentation des économies consacrées à la branche famille (700 millions d’euros en 2015)? »
Pour ces membres du collectif Vive la Gauche, « on ne peut pas réformer ainsi la politique familiale dans l’urgence et l’improvisation, et à partir de la seule porte d’entrée des économies à trouver, sans se poser la question des principes partagés qui doivent guider cette politique ».

D’autres, plus ou moins proches , ont également fait part de leur critique sur le réseau social Twitter. « O n fait en partie payer aux familles le financement du pacte de responsabilité » et c’est « incompréhensible  », s’agace Pascal Cherki.

Plus discrète (elle n’est pas députée, mais adjointe au maire de Lille), Charlotte Brun, ancienne secrétaire nationale du PS en charge des questions relatives aux personnes âgées, au handicap, et à la perte d’autonomie, a également travaillé sur les questions familiales auprès de Marisol Touraine dans l’équipe de campagne de François Hollande en 2012. Elle pointe le risque d’une remise en cause de l’universalisme de la sécu.

Un point de vue qui n’est guère éloigné de celui de Thierry Le Paon. Cette mesure est « contraire à l’esprit même de la sécurité sociale », a déclaré le numéro un de la CGT sur BFM Business : « C’est une remise en cause sans précédent de ce qu’on appelle l’universalité. Et tout ça pourquoi? Parce qu’on n’a pas le courage dans ce pays de faire une réforme fiscale et donc on joue sur les prestations sociales. »

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