Tunisie : Net recul des islamistes

Le parti Ennahda, devancé par le parti séculier Nidaa Tounès aux législatives, a aussitôt reconnu sa défaite.

Denis Sieffert  • 30 octobre 2014 abonné·es

Un leader de l’opposition qui appelle son rival pour le féliciter avant même que les résultats soient officiels, ce sont des mœurs politiques plutôt inhabituelles dans le monde arabe. C’est pourtant ce qui s’est produit lundi soir, quand le chef du parti islamiste tunisien Rached Ghannouchi a appelé le président du parti séculier Nidaa Tounès, Béji Caïd Essebsi, pour le congratuler de sa victoire aux législatives de dimanche.

Un geste qu’il n’a pas manqué de faire connaître par sa propre fille, Soumaya Ghannouchi, laquelle a publié sur les réseaux sociaux une photo de son père au téléphone. Cette conversation téléphonique témoigne des avancées démocratiques de la Tunisie autant que du bon déroulement du scrutin. Il témoigne aussi de l’évolution d’Ennahda et de la compatibilité d’un parti dit « islamiste » avec la démocratie. Avec 38,24 % des voix, Nidaa Tounès, la principale formation anti-islamiste, a devancé Ennahda (31,35 %). Mais le coup de téléphone de Rached Ghannouchi n’est peut-être pas de simple courtoisie. Le vieux leader islamiste n’ignore pas que le parti vainqueur ne pourra pas gouverner seul. Et il plaide pour un gouvernement d’union nationale. Apparemment, Nidaa Tounès, qui réunit à la fois des représentants des classes moyennes occidentalisées anti-Ben Ali et des anciens partisans de l’autocrate chassé par la révolution, est peu enclin à une alliance avec son adversaire. Mais la crise économique et sociale peut l’y inciter. Nidaa Tounès a tout intérêt à impliquer Ennahda dans la gestion de la crise plutôt qu’à le renvoyer dans l’opposition, là où il ne manquerait pas de se refaire une popularité. D’autant que l’écart entre les deux partis n’excéderait pas la dizaine de sièges, selon des résultats encore provisoires. Et toute autre solution contraindrait Nidaa Tounès à construire une majorité avec une myriade de petites formations dont il serait ainsi dépendant. Une autre échéance pourrait toutefois conforter le leader de Nidaa Tounès, Béji Caïd Essebi, 87 ans. Il sera le favori de la présidentielle du 23 novembre.

Monde
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

« La Syrie sous Assad était un régime du silence »
Entretien 8 décembre 2025 abonné·es

« La Syrie sous Assad était un régime du silence »

Un an jour pour jour après la chute du régime de Bachar Al-Assad, Arthur Sarradin, journaliste et écrivain, revient sur les traumatismes d’une Syrie effondrée après quatorze années de guerre civile.
Par William Jean
En Syrie, le récit des survivantes de l’enfer carcéral
Syrie 8 décembre 2025 abonné·es

En Syrie, le récit des survivantes de l’enfer carcéral

Il y a tout juste un an, le régime Assad tombait. Pour faire plier ses opposants, il avait eu recours à l’emprisonnement des femmes. Comme les hommes, elles ont été torturées, affamées et pour beaucoup violées. Elles sont aujourd’hui largement invisibilisées et très souvent rejetées parce que considérées comme salies.
Par Bushra Alzoubi et Céline Martelet
« Les États-Unis veulent détruire et vassaliser l’Europe »
La Midinale 8 décembre 2025

« Les États-Unis veulent détruire et vassaliser l’Europe »

Richard Werly, correspondant en France du journal suisse Blick et auteur de Cette Amérique qui nous déteste aux éditions Nevatica, est l’invité de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien
Extrême droite allemande : « Comme souvent, la colère retombe, on s’habitue »
Entretien 1 décembre 2025 abonné·es

Extrême droite allemande : « Comme souvent, la colère retombe, on s’habitue »

Alors que l’AfD vient de refonder son organisation de jeunesse à Gießen, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont bloqué la ville pour tenter d’empêcher la tenue du rassemblement. Pour la germaniste et historienne Valérie Dubslaff, cette séquence s’inscrit dans la continuité des grandes mobilisations de 2024.
Par Maxime Sirvins