Climat : Mobilisation générale

Le résultat du sommet de l’ONU, au Pérou, conditionne largement le grand rendez-vous à la fin 2015 en France, qui ambitionne de voir signé un accord planétaire fort pour limiter le réchauffement.

Patrick Piro  • 27 novembre 2014 abonné·es
Climat : Mobilisation générale
© Photo : Biosphoto / Minden Pictures / Yva Momatiuk & John Eastcott / AFP

N’en déplaise aux Péruviens, hôtes du sommet climatique annuel des Nations unies (du 1er au 12 décembre), c’est le prochain rendez-vous, à Paris, à la fin 2015, qui occupera tous les esprits. Dans douze mois à peine, quelque 200 pays devraient signer un accord planétaire pour enrayer le dérèglement climatique. Six ans après, il s’agira de la session de rattrapage du fiasco du fameux sommet de Copenhague en 2009. Officiels, experts, associations… À quelques jours de l’ouverture de la rencontre de Lima, tous confessent avoir tiré les enseignements qui s’imposaient. Le conclave de la capitale danoise, qui avait concentré le plus vaste aréopage de chefs d’État et de gouvernement jamais réunis, n’avait évité le naufrage total qu’au prix d’une dernière nuit de palabres entre grands patrons, Obama en maître d’ouvrage, pour accoucher d’une indigne déclaration de façade. A posteriori, il avait été reconnu au moins trois erreurs : la pression démesurée mise sur un sommet étiqueté de « la dernière chance », la volonté d’y concentrer tous les efforts climatiques, et l’impréparation des décideurs. Sur ce dernier point, le sommet de Poznan, en 2008, n’avait été qu’une compétition de surplace, pavant l’échec de Copenhague. La hantise de Lima. Par comparaison, les officiels voient en 2014 plusieurs signes encourageants. Depuis l’automne, les États ont manifesté un certain volontarisme à plusieurs reprises. Le 23 septembre dernier, le secrétaire de l’ONU, Ban Ki-moon, parvenait à réunir à New York un grand nombre de chefs d’État et de gouvernement pour relancer la machine à négocier. Un mois plus tard, l’Union européenne mettait à jour ses objectifs climatiques. Décidant, pour l’horizon 2030, une réduction de ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % par rapport à leur niveau de 1990, 27 % de part pour les énergies renouvelables, et autant pour les gains d’efficacité énergétique. Mi-novembre, les États-Unis et la Chine, les deux poids lourds mondiaux des émissions, signaient un accord historique d’engagement réciproque pour les limiter [^2]. Et la semaine dernière, le Fonds vert pour le climat, destiné à aider les pays pauvres à s’adapter au dérèglement, collectait 9,3 milliards de dollars, première dotation depuis sa création quatre ans plus tôt.

Du côté des militants de la cause climatique, il ne s’agit pourtant que d’un saut qualitatif, qui ne doit pas masquer la réalité des chiffres. Les engagements sur les émissions sont très loin de faire le compte si l’enjeu, comme l’affichent les nations, est de contenir le réchauffement à 2 °C supplémentaires seulement, alors que l’année 2014 devrait être la plus chaude jamais mesurée par les organisations météorologiques. Quant au Fonds vert pour le climat, il a pour objectif d’atteindre 100 milliards de dollars d’ici à 2020… « Éviter la gueule de bois post-Copenhague, pour nous, c’est d’ores et déjà intégrer que l’accord de Paris, en 2015, ne sera pas à la hauteur, explique Maxime Combes, d’Attac France. La société civile n’est plus dupe, pas question comme avant Copenhague de tout miser sur une injonction faite aux États de concocter un bon accord pour la planète. Nous voulons nous organiser pour avoir le dernier mot, à Paris ou plus tard, car il faut déjà penser à la suite. » Début 2014, un large spectre d’organisations françaises décidait la création d’une Coalition COP 21 [^3]. « Elle rassemble pour la première fois des ONG d’environnement, de solidarités internationales, des mouvements sociaux et des syndicats », souligne Alix Mazounie, chargée des négociations internationales au Réseau action climat (RAC-France). Le sommet qui s’ouvre le 1er décembre au Pérou devrait donner l’occasion à ce type de plateformes climatiques, qui existent dans d’autres pays, de renforcer leurs liens. Le mouvement Alternatiba, lancé il y a un an à Bayonne par l’association Bizi pour faire pression sur le sommet de Paris, est de la partie. « Cependant, à Lima, nous serons surtout sur des positions défensives, reconnaît Alix Mazounie. Il faudra contrer les “fausses solutions” climatiques, poussées avec une vigueur nouvelle depuis quelques mois, telles que le stockage souterrain de CO2, le gaz de schiste, le charbon “propre”, les biotechnologies en agriculture, etc. Et il s’agit aussi de protéger les intérêts des populations les plus pauvres. »

Les mouvements militants veulent avant tout imposer leurs propres exigences, insiste Maxime Combes. Et notamment la nécessité d’avancer en dehors d’un calendrier officiel obnubilé par l’accord de 2015, et dont la prise d’effet n’est prévue que pour 2020. « Il est certes essentiel de sortir de Lima avec une solide architecture pour ce texte, mais tout autant avec des engagements couvrant ce laps de temps, en termes d’émissions de gaz à effet de serre et de financements », précise Alix Mazounie. Faute de quoi, l’objectif des 2 °C serait définitivement enterré avant même l’entrée en vigueur de l’accord de Paris.

[^2]: Voir Politis n° 1328, 20 novembre.

[^3]: C’est sous l’égide de la Convention climat signée au Sommet de la Terre à Rio (1992) que se tiennent les sommets climat annuels de l’ONU, dits « Conference of the Parties » (COP, conférence des parties prenantes de la Convention), dont la 21e édition sera celle de Paris (au Bourget) en 2015.

Écologie
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